Gilets Jaunes, terrorisme et chantage politique


L’antiterrorisme comme mode de gouvernement


Il faut le dire et le répéter : la tuerie dramatique de Strasbourg n’est pas un complot. En revanche, la récupération qui en est faite par le gouvernement en place est un fait politique réel.

Mardi, à Strasbourg, la police perquisitionnait un individu « fiché S », inculpé 27 fois, activement recherché, et trouvaient chez lui des grenades et une arme à feu. Aucune mesure n’était prise. Quelques heures plus tard, le même individu ouvrait le feu sur le marché de Noël, avec les conséquences dramatiques que l’on sait.

Ce n’est pas un complot. Mais cela révèle l’incompétence sidérante de la police française et des services de renseignement. Cela en dit long sur les priorités d’agents qui ont préféré concentrer leurs moyens pour arrêter « préventivement » des centaines de manifestants ces derniers jours. Le tueur de Strasbourg n’avait pas de gilet jaune, ni se sérum physiologique sur lui. Pour des centaines de personnes, la simple possession de ces objets a été un motif d’arrestation, d’enfermement, et parfois une comparution devant un tribunal.

La tuerie de Strasbourg n’est pas un complot. En revanche, la récupération immédiate, outrancière et indécente du drame par le gouvernement est un fait incontestable. L’utilisation politique du terrorisme pour museler l’opposition n’est pas nouvelle. Après les attentats du 13 novembre 2015, le gouvernement avait décrété l’état d’urgence, et immédiatement assigné à résidence des dizaines d’écologistes qui comptaient manifester contre la COP 21. Sans aucun complexe, le gouvernement avait utilisé la mort de dizaines de personnes à Paris pour neutraliser des opposants politiques, et interdire des manifestations. Macron joue la même partition aujourd’hui.

Depuis deux jours, les médias diffusent en continu le même message repris par la classe politique : « il faut que le mouvement s’arrête ». Ce sont les mots du porte parole du gouvernement aujourd’hui, mais aussi ceux de la ministre de la justice, ou encore du politicien d’extrême droite Laurent Wauquiez. Ce sont aussi les mots du syndicaliste Laurent Berger de la CFDT, et du syndicat Alliance qui appelle à « suspendre les manifs tant que la chasse à l’homme se poursuit ».

Certains médias vont encore plus loin dans la récupération. Le journal le Parisien titrait par exemple dans le plus grand des calmes : «Les CRS du marché de Noël avaient été déplacés sur les manifs de lycéens ». Non seulement c’est faux, car les lycéens ont arrêté leur manifestation plusieurs heures avant la fusillade, mais le journal cherche à culpabiliser la jeunesse en lutte. Il cherche à accuser, en creux, les lycéens qui manifestent, d’être responsable du drame. Comme si le choix d’envoyer toutes les forces de l’ordre contre des adolescents ne venait pas du gouvernement.

Il y a une semaine, des médias avaient déjà tenté cette mise en scène abjecte, en publiant une tribune intitulée : « Nous lançons un cri d’alarme contre les violences ». Dans ce texte, les signataires assimilaient les manifestations aux attaques terroristes – « ces détonations, ces flammes, ce sang versé rouvrent nos cicatrices » –, avant d’ajouter « nous savons ce que nous devons aux forces de l’ordre ».

Comme si le terrorisme excusait les violences inouïes commises ces dernières semaines contre les lycéens, les retraités, et les autres manifestants. Comme si le chantage au terrorisme allait effacer magiquement les milliers d’interpellations, la mort d’une grand mère tuée par une grenade lacrymogène, et les manifestants éborgnés par des Flash-Balls. Comme si le terrorisme devait instantanément faire taire l’un des plus grands mouvements sociaux de l’histoire du pays. Comme si le chantage au terrorisme donnait carte blanche au gouvernement.

Si nous cédons à ce type de manipulation, alors toute possibilité de contestation sera remise en cause. Ce serait aussi une insulte aux victimes des attentats, dont la mémoire serait instrumentalisée pour museler les mobilisations collectives.

Non seulement il est important refuser ce chantage politique, mais il faut amplifier la révolte. Un gouvernement qui utilise l’antiterrorisme pour tenter d’étouffer une colère légitime ne mérite aucun répit.

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