C’est peu dire que l’an 2018 a été tumultueux. L’année s’achève avec le discrédit total du gouvernement et une crise sociale majeure. Depuis janvier, les résistances les plus diverses se sont enchaînées, croisées, rejointes parfois. Le régime en place, tétanisé, n’a pas cessé de durcir sa répression.
À Nantes, dès janvier 2018, un vaste mouvement de solidarité avec les exilés et contre le racisme d’État tient le haut du pavé. Un château à côté de l’université est occupé pour loger les réfugiés à la rue. Les réquisitions et les manifestations se multiplient. Une Cantine solidaire est créée. Quelques mois plus tard, la maire socialiste qui a organisé une dizaine d’expulsions de bâtiments vides sera enfarinée.
En février, première lutte victorieuse depuis trop longtemps : l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est abandonné, après 40 ans de résistance acharnée sur le terrain. Pour laver l’affront, au printemps, le gouvernement lance la plus grande opération de maintien de l’ordre depuis mai 1968 pour anéantir la ZAD. 2500 gendarmes, des blindés, des drones, des milliers de grenades ravagent la zone, mais ne parviennent pas à tout détruire. Si le mouvement sur place en sort meurtri et divisé, plusieurs lieux tiennent encore debout. Et la zone est toujours vivante.
Au même moment, de nombreuses universités sont bloquées contre la destruction de l’enseignement supérieur, et les cheminots organisent une grève de longue haleine. Macron s’enfonce dans l’autoritarisme. Il écrase la contestation par la force dans la rue, dans les gares et dans les facs. Il le paiera : quelques semaines plus tard, son assistant personnel, le milicien Benalla, sera démasqué en train de tabasser un manifestant. Ce qui provoquera une grave crise politique.
Le 3 juillet, un CRS abat un jeune habitant du quartier du Breil, à Nantes. Aboubakar. Une balle en plein cou. Le drame provoque l’une des plus grandes vagues de révolte que Nantes ait connu : des centaines de voitures brûlées, dont celle de la maire, des bâtiments en feu, des caméras de surveillances sciées… Une semaine hors contrôle. La colère contre les violences d’État n’est pas éteinte.
Après un été invraisemblable, avec la liesse de la coupe du monde violemment réprimée, un scandale d’État qui n’en finit pas, et les signes de plus en plus nombreux de la catastrophe climatique en cours, la rentrée s’annonce calme. Sauf à Marseille, où une ZAD émerge en plein cœur de la ville, pour protéger une place populaire saccagé par les aménageurs. L’effondrement meurtrier d’immeubles insalubres quelques semaines plus tard, alors que la mairie investit des millions dans des aménagements inutiles provoque des semaines de rage dans la deuxième ville du pays.
Le mois de novembre fait voler en éclat les certitudes. Un mouvement inédit, protéiforme et incontrôlable surgit depuis les réseaux sociaux. Un peuple d’intérimaires, d’ouvriers, d’employés, et d’habitants de zones périurbaines découvre le goût du conflit social. Des centaines de milliers de Gilets Jaunes bloquent des ronds-points, envahissent des aéroports, attaquent péages et préfectures, et déjouent tous les pronostics. Le sublime côtoie parfois l’abject, les artères richissimes de la capitales dévastées et les actes racistes.
Le 1er décembre, l’histoire s’emballe. Journée insurrectionnelle à Paris. Le gouvernement concède des miettes et déploie des blindés dans plusieurs villes. Un hélicoptère est prêt à l’Élysée, pour évacuer le président. Le pouvoir veut écraser le soulèvement dans le sang : 4 mains arrachées, une douzaines d’éborgnés, des milliers de blessés et d’arrêtés. Un bilan sans précédent. Mais le contentieux est loin, très loin d’être réglé, et la plupart des villes s’embrasent tous les week-ends.