Édouard flippe : nouvelle escalade répressive


Interdictions de manifester : une mesure contre les hooligans appliquée aux opposants politiques


Voici l’équation posée au sommet de l’État. Concéder autre chose que des miettes aux centaines de milliers de personnes qui manifestent depuis quasiment deux mois ? Hors de question ! Déployer des moyens de plus en plus fous pour anéantir toute opposition ? Bien entendu ! Ce gouvernement a définitivement perdu le sens des réalités. Il est en roue libre, et donc particulièrement dangereux.

Macron avait envoyé son premier ministre faire le show ce soir sur TF1. En prime time devant des millions de français pour des annonces « d’ordre public ». Ce moment de télévision mérite d’être décrit.

D’abord, une série de reportages absolument abjects sur « l’incroyable violence » des Gilets Jaunes, à base d’image chocs et de déclarations délirantes de policiers, prépare le terrain aux annonces gouvernementales. Puis apparaît le faciès d’Édouard Philippe sur le plateau. L’air fatigué. Peut-être encore traumatisé par l’attaque de l’hôtel particulier de son ami, Benjamin Griveaux, qui a connu une grande frayeur samedi lorsque ces gueux de Gilets Jaunes sont venus sonner à sa porte.

Sans surprise, le premier ministre annonce d’un air sombre sa « décision de mobiliser en masse les forces de l’ordre samedi prochain » et de faire « de nombreuses interpellations ». Une logique de guerre contre la population, mais finalement, rien de bien nouveau. Philippe enchaîne en présentant fièrement le bilan de la répression : « 1.000 condamnations, 5.600 gardes à vue depuis le début », oubliant les dizaines de mutilés, blessés, traumatisés. Des chiffres records, dignes d’une dictature, brandis comme un trophée sur le plateau. «Ceux qui contestent les institutions n’auront jamais le dernier mot». En France, le dernier mot revient à des milices surarmées qui ont carte blanche.

Soudain, le présentateur, les yeux injectés de sang, se met à hurler contre le ministre : « 3% seulement des manifestants sont en prison ! ». Il veut du sang. Ce sont les aboiement d’un chien de garde enragé, qui réclame « plus de fermeté ». Et qui postillonne le refrain des syndicats policiers d’extrême droite : « la justice n’est pas assez ferme ! ». C’est vrai, les juges n’ont pas encore rétabli la peine de mort pour un outrage à agent.

Philippe répond tranquillement : « je préférais que les condamnations soient encore plus larges », c’est à dire plus importantes que les peines actuelles : des mois de prison pour une suspicion de rébellion, sans aucune preuve. Le politicien témoigne ainsi de son grand respect pour le principe de la séparation des pouvoir. Puis il annonce sa mesure phare : utiliser les listes d’opposants fichés par la police politique pour les « interdire de manif ». Et punir les personnes qui appellent à des manifestations sur les réseaux sociaux. Le gouvernement appliquerait ainsi le sort réservé aux personnes fichées comme « hooligans », et interdites de stade, aux opposants politiques, qui seraient interdits de protester. Problème : manifester est un droit constitutionnel. Supporter une équipe de foot n’en est pas un.

Dans ce cas de figure, les personnes fichées devraient probablement pointer au commissariat au moment d’une manifestation. Pour une simple présomption de déviance politique, sur la base du fichage des services de renseignement. Ce serait le retour dans la loi d’une disposition exceptionnelle permise par l’état d’urgence. Lorsque l’antiterrorisme avait été utilisé pour frapper sur les mouvements sociaux, en 2016. Macron, qui n’a été élu que pour faire barrage à la famille Le Pen, compte officiellement appliquer le programme du Front National.

Le présentateur aboie encore. Il n’est pas rassasié. Il exige que ces mesures soient appliquées le plus tôt possible. Il ne veut pas de nouvelles « images d’affrontement et de pillages ». Philippe répond, se justifie : cette loi sera étudiée « très vite, dès février », en procédure accélérée.

Mais le gouvernement tiendra-t-il jusque là ? Mystère.

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