L’histoire de Taha, de Gaël et d’Antonin : des illustrations du régime qui s’installe.
Journalistes violentés
Vous connaissez Taha Bouhafs ? Sans lui, il n’y aurait sans doute jamais eu «d’affaire Benalla». C’est lui qui a filmé le vigile de Macron en train de tabasser des manifestants le 1er mai 2018 à Paris. C’est aussi lui qui sillonne la France avec son téléphone pour aller couvrir différentes luttes. Bref, c’est un journaliste de terrain, toujours au cœur de l’action. Il y a une semaine, il part à Alfortville, en banlieue parisienne pour un reportage sur une grève de sans-papiers à Chronopost. Alors qu’il fait son travail, Taha Bouhafs est arrêté par une équipe de la BAC. Violenté, il est jeté en garde à vue, accusé d’outrage. En réalité, il s’agit bien d’une vengeance d’État. Le reporter est mis en garde à vue pendant 24 heures. Il en ressort avec une épaule déboîtée, des hématomes au visage et 3 semaines d’arrêt. Plus grave : son téléphone, qui contient ses sources, ses images, ses contacts et de nombreuses autres informations est placé sous scellé. L’État confisque sans aucun motif son outil de travail. Une atteinte extrêmement grave à la liberté de la presse. A sa sortie, Taha Bouhafs écrit : «confrères journalistes […] là j’ai clairement besoin d’un soutien fort. Je dois récupérer ce téléphone. Je suis salarié, j’ai un contrat de travail sous la convention collective des journalistes. Si aujourd’hui vous laissez passer ça pour moi. Demain ça sera vous !»
Cette arrestation scandaleuse fait suite à d’innombrables autres attaques, comme l’arrestation de Gaspard Glanz, journaliste indépendant, d’Alexis Kraland, photographe, aux blessures de nombreux reporters par la police. Ou encore la convocation de plusieurs journalistes par les services de renseignement. À chaque fois, face à ces atteintes plus qu’inquiétante, les journalistes, d’habitude très corporatistes, n’ont quasiment pas réagit. En France, un gouvernement peut arrêter et violenter des reporter et des médias qui lui déplaisent sans véritable réaction.
Syndicalistes arrêtés
Dimanche 16 juin, la police arrête Gaël Quirante. Gaël est facteur et lutte au sein de la Poste depuis des mois pour obtenir des conditions de travail décentes et arrêter la privatisation du service. Il anime une grève exemplaire, depuis 14 mois dans la Poste des Hauts-de-Seine. Il est donc jeté dans une cellule d’un commissariat parisien, sans motif connu. Aucun motif, c’est une tentative d’intimidation contre une des figures du mouvement social. Une attaque assumée contre le mouvement syndical. Les arrestations qui frappent les syndicalistes se multiplient depuis l’élection de Macron. On se souvient de travailleurs de la CGT frappés par la police à Nantes à l’automne 2017, dont plusieurs avaient été placés en garde à vue et jugés. Un précédent très inquiétant, ici encore, qui n’a pas fait réagir à la hauteur de la gravité des faits.
Antifascisme réprimé
Ce n’est un secret pour personne : l’extrême droite monte partout en Europe, et les agressions commises par les groupuscules fascistes se multiplient sur le territoire. Des nervis néo-nazis avaient par exemple semé la terreur dans plusieurs manifestations de Gilets Jaunes en décembre et janvier. Le 15 avril, une altercation oppose une de ces bandes de nostalgiques du Reich à des jeunes militants antifascistes. La bande d’extrême droite n’a jamais été inquiétée par la justice, un de ses membres a même porté plainte. En revanche, plusieurs militants antifascistes ont été mis en examen. L’un d’entre eux, Antonin Bernanos, est placé en détention provisoire, depuis deux mois ! À ce jour, le dossier judiciaire est vide, aucune investigation n’a été menée. Il n’y a pas d’éléments contre Antonin. Sa détention est uniquement fondée sur son profil de militant.
Antonin subit un traitement épouvantable : il est placé en isolement «en raison de ses activités politiques» et n’a eu le droit à aucune visite ni courrier. Une véritable torture psychologique. L’État cherche à en faire un exemple pour terroriser d’autres militants.
Le cas d’Antonin n’est malheureusement pas isolé : un autre manifestant, Thomas, est en taule depuis 4 mois sans être passé en procès, accusé de dégradations lors d’une manifestation de Gilets Jaunes. Ici encore, la Justice frappe celui qu’elle décrit comme un «membre d’ultra-gauche». Même sort pour un toulousain arrêté et jeté en taule sans preuve autre qu’un fichage par les services de renseignement.
Les histoires de Taha, Gaël ou Antonin sont des illustrations du climat toxique qui s’installe en France. Nous n’assistons pas à une «dérive», mais bien à une fuite en avant durable et rapide vers un régime autoritaire. Une dictature maquillée derrière la communication soignée d’un président jeune au sourire carnassier et sa cours de jeunes cadres dynamiques. Chaque jour, on peut se demander jusqu’où ira ce gouvernement en roue libre.
Après Taha, Gaël ou Antonin, cela peut être n’importe qui. Réagissons.