«Il y avait des gens qui couraient dans tous les sens pour échapper aux lacrymos. J’ai vu des personnes tomber à l’eau qui criaient pour que les bateaux des secours viennent les chercher.»
Un article du Monde a récolté plusieurs témoignages de la soirée de vendredi soir, censée être festive mais qui a tourné au drame à la suite d’une violente intervention de la police.
L’article complet ci-dessous
« J’ai vu des gens tomber à l’eau » : l’opération de police qui a dégénéré, un soir de Fête de la musique à Nantes
Une soirée techno s’est achevée par une charge policière : quatorze personnes sont tombées dans la Loire et une autre est toujours portée disparue.
Un jeune homme de 24 ans porté disparu, quatorze personnes tombées dans la Loire. Samedi 22 juin à l’aube, une intervention de policiers (compagnie départementale d’intervention, brigade anticriminalité et CRS) pour mettre fin à une soirée techno organisée le soir de la Fête de la musique à Nantes, quai Wilson, a créé un mouvement de panique aux lourdes conséquences.
Faisant suite à la demande de Claude d’Harcourt, préfet de Loire-Atlantique et des Pays de la Loire, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a saisi du dossier lundi l’inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices. « [Celle-ci] est chargée d’établir le déroulement des faits de la nuit et de déterminer les conditions d’intervention de la police », précise Pierre Sennès, le procureur de la République de Nantes. Le parquet a aussi ouvert une enquête pour disparition inquiétante.
Steve Maia Caniço, animateur périscolaire participant à cette fête, n’a plus donné signe de vie depuis cette date. « Vers 3 heures du matin, il a envoyé un message disant qu’il était très fatigué et il donnait l’endroit où il comptait attendre le groupe de potes avec qui il devait rentrer », confie Anaïs, 24 ans, une amie. Son entourage craint le pire : que le jeune homme ait été réveillé en sursaut et pris dans le mouvement de foule qui a suivi l’arrivée des forces de l’ordre. Au plus fort de la nuit, le rassemblement a compté plus de 2 000 personnes.
Steve Maia Caniço, jure son entourage, boit modérément et « ne touche à aucun produit ». « La musique lui suffit, note Mathis, technicien de surface âgé de 20 ans. Parfois, on peut le voir pleurer tellement il aime les sons que sort un DJ. »
« Disproportion de la réponse »
L’intervention a eu lieu aux alentours de 4 heures. Les policiers étaient venus demander que la musique s’arrête, selon l’horaire convenu en début de soirée. Mais la situation a rapidement dégénéré. « Les policiers ont essuyé des jets de bouteilles de verre et de pierres », indique Johann Mougenot, directeur de cabinet du préfet, qui précise que « cinq fonctionnaires ont été blessés ».
Les lacrymogènes ont envahi la nuit nantaise et des grenades de désencerclement ont été tirées. « Il y avait des gens qui couraient dans tous les sens pour échapper aux lacrymos, affirme Aliyal, une étudiante. J’ai vu des personnes tomber à l’eau qui criaient pour que les bateaux des secours viennent les chercher. »
Le quai Wilson, relève-t-on, est dénué de garde-corps. « On a cherché de la rubalise pour improviser un semblant de barrière, mais on n’a rien trouvé », se désole Caroline. « Il y a eu disproportion de la réponse, estime Aliyal. Charger comme ça sur un lieu aussi risqué, à presque 5 heures du matin, alors qu’il y a des gens bourrés et d’autres qui ont peut-être pris des substances, ça relève de la mise en danger. »
Selon le décompte de la préfecture, sept personnes ont été secourues par les pompiers, quatre par la Sécurité nautique Atlantique, une association de sauvetage mandatée par la ville de Nantes pour la soirée, et trois autres sont parvenues à regagner des échelles pour s’extraire de l’eau.
« On était juste là pour s’amuser »
« On faisait la fête, on dansait, on ne voulait pas attaquer les CRS », poursuit Dorine, 23 ans, qui faisait partie du groupe devant repartir avec Steve Maia Caniço. La jeune femme a appelé son ami « à 4 h 59. Direct, ça a été messagerie ». « J’ai peur qu’il se soit perdu avec la lacrymo, qu’il soit tombé dans l’eau et qu’on ne l’ait pas repêché », lâche Aliyal.
« D’emblée, on a reçu le signalement d’une personne ayant coulé, énonce un homme qui était au cœur du dispositif d’intervention sur la Loire. Des gens tentaient d’éclairer l’eau avec leurs téléphones, mais on n’y voyait rien. La confusion était à son comble. Et il y avait aussi pas mal de gaz. Quand on récupérait les gens, ça piquait les yeux. »
Des patrouilles ont sillonné la Loire jusqu’à 8 heures, en vain. Les nouvelles recherches diligentées lundi n’ont rien donné. Le téléphone du disparu est éteint et il ne s’est pas présenté à son travail. « Steve, c’est une crème, observe Anaïs, qui veut garder espoir. Il ne va jamais à la confrontation. Et il ne sait pas nager, il n’aurait jamais sauté de lui-même. » « Franchement, on dérangeait qui ?, demande Sébastien, 19 ans. Il n’y a pas d’habitation autour. Le mouvement des free-parties est systématiquement réprimé par les autorités. »
« Mise en danger de la vie d’autrui »
Les années précédentes, notent les habitués, les façades de sons « s’étendaient sur l’île de Nantes, dans un espace plus sécurisé. Il n’y avait qu’une poignée de sound-systèmes quai Wilson ». La préfecture renvoie la responsabilité de l’organisation de la Fête de la musique sur la ville. Laquelle fait valoir que les murs de sons n’étaient pas autorisés dans le périmètre qu’elle avait défini : « Là où elle était déployée, la free party relevait du ressort de l’Etat. »
Avec d’autres amis, Mathis affirme vouloir porter plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui ». « Une personne qui tombe malencontreusement dans la Loire, ça peut arriver, dit-il. Mais quatorze, là, il y a un grave problème. Ces gens ne se sont pas jetés dans l’eau par plaisir. Ils fuyaient quelque chose. Et à l’origine, on était juste là pour s’amuser. »
Yan Gauchard (Nantes, correspondant)
Quelques remarques :
- Il n’y a pas eu « d’affrontements » ni de « riposte » à des jets de projectiles. Ni même d’opération qui aurait « dégénéré ». C’était une attaque pure et simple d’une soirée festive. Il faut que les médias arrêtent une bonne fois pour toute de systématiquement tempérer les faits en faveur de la police.
- Il y aurait pu y avoir des dizaines de morts. La police nantaise a pris le risque de provoquer un carnage. Avant de repartir sans même se soucier du sort des gens tombés à l’eau.
- Si un jeune n’était pas porté disparu, Le Monde aurait-il consacré un article aux violences gravissimes commises à Nantes ce soir là ?
- Les autorités étaient elles au courant depuis le début de l’existence d’une personne « ayant coulé », comme peuvent le laisser penser les témoignages ? Pourquoi avoir mis deux jours avant de lancer des recherches ? Si oui, on est carrément dans un mensonge d’Etat.
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