Marche pour Steve : Un millier de personnes en hommage au disparu

Samedi 22 juin, 4h30 du matin. Au bord de la Loire, la police donne l’assaut contre la fête de la musique. Des dizaines de munitions sont tirées, dont plusieurs balles en caoutchouc et grenades explosives. Immense panique. 14 personnes tombent dans le fleuve. De nombreuses autres sont blessées. Steve, 24 ans, manque toujours à l’appel.

Certains ont frôlé la noyade. D’autres ont été blessés. Et un jeune nantais a disparu. Parce qu’ils avaient dansé quelques minutes au delà de l’heure prévue. Parce que la police attaque sans discernement les regroupements collectifs, qu’ils soient festifs ou politiques. Parce que l’État ne sait plus répondre plus que par la violence.

14 personnes dans la Loire et un disparu. Pour une fête de la musique. Retrouve-t-on une situation d’une telle gravité, en matière de répression, ces 50 dernières années en France ? Pourtant, depuis une semaine, les autorités insultent ouvertement les personnes réprimées. Le préfet parle dans la presse d’une foule «avinée», et va jusqu’à annoncer de potentielles «poursuites» contre les fêtards. Le commissaire qui a donné les ordres cette nuit là, prétend qu’il n’y a «pas eu de charge», contre toute évidence. La violence verbale et symbolique est inouïe. Elle se superpose à la violence physique, injustifiable.

Samedi 29 juin, après une semaine de sidération, les proches de Steve appellent à une marche. C’est tout Nantes qui aurait du envahir les rues. Et au-delà, toute la France qui aurait du hurler sa colère. Refuser qu’on pousse dans la Loire des jeunes qui écoutent de la musique. Mais à l’heure du rendez-vous, sous un soleil de plomb, nous sommes à peine un millier.

Le défilé avance sur un son électro, derrière une banderole où figure cette question lancinante, celle que tout le monde se pose depuis une semaine : «Où est Steve ?».

Le parcours a été déposé en préfecture, et même modifié sur demande des autorités. Direction l’île de Nantes, à l’écart du centre-ville. Le mot d’ordre est clair : c’est une marche pacifique et musicale, et aucun signe d’appartenance politique n’est souhaité. Une demande respectée par tous les participants. En gilets oranges, le service d’ordre encadre de près le cortège. Au mégaphone, pas de slogans mais des rappels à l’ordre : interdiction de marcher sur les trottoirs, rester derrière la banderole, se disperser dans le calme. La police fait la circulation. Quelques slogans seront lancés sur l’île de Nantes, au milieu d’une friche industrielle déserte. Mais ils sont vite arrêtés par certains organisateurs car ils constituent un «débordement».

Sur le quai Wilson, à l’endroit exact des violences de samedi dernier : moment de recueillement. Minute de silence, puis quelques pas de danse en musique. Le cortège se disperse peu à peu dans une chaleur écrasante. Tout le monde a le cœur lourd.

Il y a presque un an jour pour jour, Aboubakar était tué dans le quartier Breil par un CRS, provoquant une semaine de soulèvement dans les banlieues nantaises. À présent, Steve a disparu. Sans réaction massive. Deux vies volées à Nantes en un an seulement. Et des centaines de blessés, dont plusieurs atteintes gravissimes. Un bilan effroyable, qui ne révolte plus grand monde.

En 1995, le groupe NTM posait la question : «Qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ?» 25 ans plus tard, alors que la situation s’est considérablement aggravée, nous en sommes très loin.


La police peut attaquer une fête de la musique et tuer sans susciter de révolte générale. La barbarie s’installe. Dans un silence de mort.


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