Le scandale du jour : témoin d’une agression, elle est étranglée par la police et mise en garde à vue !


Le Monde publie un témoignage édifiant d’une femme agressée par un policier :


Illustration. Un homme frappé par la BAC le 3 août

«Nous n’avons pas compris pourquoi d’un coup une témoin était frappée par la police. […] Je rappelle qu’il s’agit d’une témoin d’une agression qui a choisi d’aider la victime et d’appeler la police alors qu’elle aurait pu passer son chemin.»


L’article complet :

« Violences policières : témoin d’une agression à Paris, une femme frappée par un agent

Alors qu’elle portait secours à une victime, Leila a été violemment agressée par un agent. Elle a été renvoyée devant la justice.

Quand elle relate la suite d’événements qui l’ont conduite en garde à vue, Leila ne peut s’empêcher de souffler entre deux phrases : « C’est une histoire de fous. » Cette cadre commerciale de 43 ans n’imaginait pas en ce lundi soir du mois d’août qu’en appelant la police, comme simple témoin d’une agression, elle serait emmenée au poste pour « violence sur personne dépositaire de l’autorité » et renvoyée devant le tribunal correctionnel, après avoir été elle-même étranglée et frappée… par un agent.
Il est presque 22 heures quand Leila, vêtue d’un imperméable beige, remonte la rue Legendre, dans le 17e arrondissement de Paris. A quelques dizaines de mètres d’elle, elle aperçoit trois personnes s’en prendre physiquement à une femme au sol. La scène a attiré tout le voisinage au balcon. Les nombreux témoins interrogés par Le Monde la décrivent tous comme très brutale. Une femme assène notamment un grand coup de casque de moto à la personne au sol, tandis qu’un homme la saisit et la projette violemment contre une voiture. Leila appelle donc la police et se rapproche du groupe pour protéger la victime. Plusieurs passants la rejoignent pour tenter de faire cesser les coups.
Une quinzaine de minutes plus tard, une voiture débarque à tombeau ouvert dans la rue. Plusieurs fonctionnaires en civil, brassard orange au bras, en sortent, pistolet au poing. « Lorsque la police est arrivée sur les lieux, j’étais choqué de les voir arme à la main, nous braquer agressivement », raconte Farid, témoin de la scène qui a souhaité rester anonyme. « A l’origine, ils intervenaient pour un individu armé sur la voie publique », explique-t-on de source policière, pour justifier la tension ambiante. Les agents commencent par séparer les protagonistes de l’altercation. L’un des agresseurs se tourne alors vers Leila et lui intime par deux fois l’ordre de se taire : « Tu n’as rien vu, tu ne dis rien. » Cette dernière se rapproche de l’un des policiers et signale à plusieurs reprises cette tentative d’intimidation. C’est alors que les choses dérapent.

« Elle n’opposait aucune résistance »

Le fonctionnaire, barbe fournie et casquette vissée sur la tête, l’empoigne à la gorge en l’étranglant, lui fait traverser la rue et la plaque contre un mur. Ne pouvant plus respirer, Leila pousse des cris et pleure. « Elle n’opposait aucune résistance et criait “Je ne vous ai rien fait, c’est moi qui vous ai appelés”, puis à plusieurs reprises “lâchez-moi, vous me faites mal” », raconte Isabelle, une autre témoin (le prénom a été changé à sa demande). Le policier desserre son étau et lui balance un coup de pied dans les jambes. « La dame avait le visage choqué, elle n’avait rien fait, elle demandait au policier pourquoi elle se faisait agresser, raconte Romain (qui n’a pas non plus voulu donner son identité), qui crie lui-même au fonctionnaire d’arrêter. J’ai vu parfaitement – j’étais à un mètre de distance – comment il l’a lâchée et lui a ensuite mis un coup de pied très fort sur les jambes. »

Les autres policiers finissent par intervenir. Miloud, un voisin, abonde :

« Ses collègues sont venus le raisonner, les gens dans la rue étaient choqués par cette scène. La dame était là depuis le début de l’incident pour aider la victime et n’avait rien à voir avec l’altercation. Au contraire, elle a tout fait pour que la police vienne résoudre le conflit. Nous n’avons pas compris pourquoi d’un coup une témoin était frappée par la police. »
Plusieurs témoins de la scène se saisissent de leur téléphone. « Il a levé la tête, il a vu qu’il y avait plein de gens qui filmaient, il s’est éloigné, puis il est revenu vers moi et m’a dit “vous restez là, vous m’avez tordu le pouce”. » Côté police, on assure que l’homme a agi en réaction « à une requérante qui perturbait l’opération » et que cette dernière aurait saisi et tordu la main de l’agent. Aucune des nombreuses personnes interrogées par Le Monde ne fait état de coup ou d’une attitude agressive de la part de la femme. Sur l’une des vidéos tournée juste après le coup de pied, on voit le policier qui s’adresse à la femme en montrant son pouce. Un témoin de la scène s’esclaffe : « Il vient de la frapper et il fait la victime ! »

« Garde à vue lunaire »

Leila se défend de toute violence : « J’ai essayé de me dégager parce que je n’arrivais pas à respirer, mais je ne lui ai pas tordu le pouce, c’est une excuse parce qu’il a compris qu’il était en tort. » Sur les vidéos, même la femme qui avait assené le coup de casque vient prendre sa défense en saisissant l’un des policiers par les épaules.

Les ennuis de Leila ne font cependant que commencer. « Ils m’ont dit qu’ils avaient besoin de mon témoignage sur l’agression, ils m’ont emmenée, raconte-t-elle. J’ai indiqué plusieurs fois que je voulais porter plainte contre le policier et en arrivant au commissariat, ils m’ont placée en cellule. » Elle y passera la nuit. « C’est une garde à vue lunaire, pourtant j’ai l’habitude d’en faire, souffle Me David Curiel, l’avocat qui l’a assistée. Ils ont mis de côté leur impartialité, ils tentaient de la discréditer, de lui faire dire qu’elle était à l’origine des violences. Je rappelle qu’il s’agit d’une témoin d’une agression qui a choisi d’aider la victime et d’appeler la police alors qu’elle aurait pu passer son chemin. »

Leila a depuis porté plainte auprès de l’Inspection générale de la police nationale. L’enquête a été confiée au SDSE (service de déontologie et de soutien aux effectifs), une unité de la préfecture de police de Paris. Une source policière assure que deux témoins entendus ont expliqué que la femme « s’immisçait trop dans le travail des policiers » et que la vidéosurveillance confirme la version des policiers.
L’histoire se réglera au tribunal correctionnel. A sa sortie de garde à vue, Leila a reçu en mains propres une convocation en mars 2020, pour « violence sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Le policier s’est vu prescrire pour son pouce dix jours d’incapacité totale de travail (ITT). Pour les larges ecchymoses qui ornent son cou, ses poignets et sa jambe, Leila a, de son côté, hérité de deux jours d’ITT.

Nicolas Chapuis »

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