Marie-Jeanne (dite May), militante anarchiste, anarcho-syndicaliste et antimilitariste
Elle est née le 8 juillet 1898, à Savenay (Loire-Atlantique) dans un milieu modeste. Rien ne prédisposait cette petite bretonne à rencontrer et à côtoyer des Sébastien Faure, Nestor Makhno, Lénine, Trotsky, Emma Goldman, Alexandre Berckman, Marius Jacob, Durruti et autres personnalités faisant l’Histoire du XXe siècle.
Et tout cela, en se payant le luxe d’une intransigeance de tous les instants, d’un courage à toute épreuve et d’une gentillesse jamais démentie. De l’affaire Sacco et Vanzetti en 1920 à la manifestation antinucléaire de Creys-Malville le 30 juillet 1977.
Elle décède le 3 novembre 1983 après avoir quasiment vécu un siècle de lutte.
1920, début d’une vie de lutte acharnée
C’est en 1918 à Paris qu’elle découvre l’anarchie, à travers une rencontre avec Dragui Popourtch, étudiant en médecine. Elle assiste aux conférences de Sébastien Faure et rejoint le groupe des Jeunesses Libertaires du 13ème et 5ème arrondissement. Elle milite également aux Jeunesses syndicalistes.
Sa rencontre en 1921 avec Louis Lecoin, condamné en 1912 à 5 ans de prison pour un discourt anti-conscription, sera déterminante pour son engagement antimilitariste.
«Aujourd’hui insoumis, demain réfractaire, plus tard déserteur»
Louis Lecoin
Les Années 1920, l’affaire Sacco et Vanzetti, Lénine, Trotsky
Lors de l’affaire Sacco et Vanzetti, elle soutient activement les deux hommes qui seront innocentés en 1977 après 50 ans de lutte.
Ardente défenseure de la vérité, elle n’hésite pas à envoyer un colis piégé à l’ambassade des États-Unis dans le but de sensibiliser l’opinion sur cette injustice. En vain , puisque Sacco et Vanzetti seront exécutés sur la chaise électrique en 1927, faisant d’eux des martyres de la répression internationale du mouvement anarchiste.
Secrétaire administrative de la Fédération des Métaux, elle assiste au congrès de scission de la CGT à Saint-Étienne en 1922, qui donne naissance à la CGT-Unitaire. Avec le secrétaire fédéral Louis Chevalier, elle est désignée pour participer au Congrès de la IIe Internationale syndicaliste rouge à Moscou en novembre 1922.
De passage par Berlin, elle rencontre Souchy, Rocker, Emma Goldman et Berkman qui lui signalent des anarchistes emprisonnés en Russie.
À Moscou, elle rencontre Lénine déjà affaibli par la maladie. Elle manifeste alors ses opinions anarchistes, interpelle Trotsky en refusant de lui serrer la main pour sa trahison envers Nestor Makhno et l’écrasement de la Commune de Kronstadt, elle obtient la libération de Mollie Steimer et Sonya Flechine, deux membres de la Croix noire anarchiste, condamnés à la déportation sur les îles Solovietski.
À son retour en France May Picqueray est arrêtée par les autorités françaises, qui lui avaient refusé un passeport au départ. Elle est condamnée à 45 jours de prison pour usage de faux-papiers.
La Rupture rouge
Elle prend part à la bagarre lors du meeting de la Grange-aux-Belles le 1 janvier 1924. Ce jour là, deux anarcho-syndicalistes seront tués par des communistes à coups de revolver.
Son voyage en URSS a confirmé le caractère dictatorial du régime communiste, et Staline n’est même pas encore à la tête du pays. Elle quitte peu après la C.G.T.U, lorsque celle-ci passe sous le contrôle communiste. Le divorce est consommé.
Guerre d’Espagne et Résistance, faussaire de la seconde guerre
May Picqueray travaille comme correctrice dans un journal régional puis, durant trois ans, comme secrétaire d’Emma Goldman à Saint-Tropez.
Lorsque vient la guerre d’Espagne contre le fasciste Franco, May œuvre à réunir les membres des familles que la guerre a séparés au sein du Comité d’Aide aux enfants espagnols de Paris.
En 1940, lors de la seconde guerre mondiale à Toulouse, elle aide des réfugiés internés dans les camps du sud de la France. En particulier celui du Vernet où elle parvient à faire évader neuf internés menacés pas les nazis. De retour à Paris, elle réalise alors des faux-papiers et travaille avec des réseaux de résistants.
La femme libre
À la Libération, May reprend son métier et milite dans le Syndicat des correcteurs. À la disparition de Libre Soir Express, journal qui l’employait, May Picqueray et l’une de ses camarades décidèrent de citer la direction du journal devant les autorités prud’homales, ce qui ne s’était jamais fait, afin d’obtenir un mois d’indemnités de licenciement. À l’étonnement général, satisfaction leurs fut donnée et le jugement fit jurisprudence.
Elle soutient l’action de Louis Lecoin en faveur des objecteurs et insoumis au service militaire, puis fondera à sa mort l’association des « Amis de Louis Lecoin ».
Femme libre et indépendante, elle élève seule ses trois enfants (Lucien, Marie-May et Sonia) nés de trois pères différents. Enthousiaste en mai 68, très engagée au Larzac, elle a participé à toutes les campagnes anti-nucléaires et soutenu les objecteurs de conscience et les réfractaires au service militaire.
En 1974, elle crée le journal « Le Réfractaire » qu’elle publiera jusqu’à sa mort.
Le 30 juillet 1977, à 79 ans, elle participe à la manifestation antinucléaire de Creys-Malville, où un jeune militant est tué par une grenade.
May Picqueray décède le 2 novembre 1983 à Paris, laissant derrière elle un exemple pour toutes les Femmes qui aspirent à se libérer du carcan patriarcal.
Elle a écrit dans un livre ses années de luttes : « May la réfractaire, 81 ans d’anarchie » (1979) (réédité après sa mort : « Pour mes 85 ans d’anarchie ») dont est extraite cette citation: