Le gouvernement en place ne comprend que la peur
Depuis 2 ans et demi, le gouvernement incarne le capitalisme autoritaire plus qu’aucun autre auparavant. Utilisation immodérée d’armes de guerre pour anéantir dans le sang toutes les contestations, reconnaissance faciale, arrestations par milliers pour des motifs dérisoires, censure, milices d’extrême droite… La France, comme d’autres pays autour du globe, semble entrer dans une séquence politique hybride : nous ne sommes pas encore dans une dictature au sens classique du terme, mais nous ne sommes plus dans une démocratie telle qu’elle était définie depuis la seconde guerre mondiale.
Macron est un rouleau compresseur. Immédiatement arrivé au pouvoir, il a fait passer en force la Loi travail XXL – par décret –, la privatisation de la SNCF, imposé une précarité de plus en plus extrême aux chômeurs, aux étudiants, mené des attaques sans précédent contre les libertés fondamentales et les droits des réfugiés. Il a liquidé la ZAD, rasé des campements à Calais, emprisonné des manifestants. Quasiment sans résistance.
Aujourd’hui, le projet de saccage des retraites provoque un mouvement de masse. Des millions de personnes sont mobilisées. La grève des cheminots est la plus longue depuis des décennies. Les avocats jettent leurs robes, l’Opéra de Paris danse dans la rue, les grévistes de chez EDF coupent le courant. Les manifestations sont massives, l’opinion est ultra-majoritairement du côté du mouvement social. Et pourtant … Pourtant le gouvernement ne bouge pas d’un pouce. Pire, il est de plus en plus brutal et arrogant. On remplace l’ancien rapporteur de la réforme par un manager encore plus violent. Édouard Philippe raconte au Figaro qu’il a «la frite». Les «négociations» avec les syndicats sont plus factices que jamais. Le gouvernement annonce qu’il n’a aucune intention de modifier une ligne de sa loi. Un malfaiteur milliardaire est présenté comme un héros dans les médias. Le temps où les gouvernants s’inclinaient face à la rue, comme lors du CPE de Chirac, parait si loin.
Margaret Thatcher était à la tête du gouvernement britannique dans les années 1980. Appliquant un programme ultra-libéral, elle a définitivement brisé les droits sociaux et mis à terre le mouvement social anglais. À l’époque, Thatcher avait fait face à une grève de mineurs qui avait duré plus d’un an, écrasant les grévistes sous la répression sans leur lâcher un pouce de terrain. Après avoir épuisé les mineurs, elle avait saccagé le reste du modèle social anglais en quelques mois. Les syndicats ne s’en sont jamais relevés. Macron procède exactement pareil. Il veut briser les secteurs les plus combatifs, en particulier les cheminots. Après, il n’aura plus aucun obstacle. Il aura démoralisé l’opposition. Il pourra tout détruire en quelques mois. Blitzkrieg.
Alors, aujourd’hui, Macron peut-il lâcher ? Non. Car il n’a pas peur. Nous pouvons être 5 ou 10 millions dans les rues, les métros parisiens peuvent rester à l’arrêt 6 mois, cela ne changerait sans doute pas grand chose. Le pouvoir ne négocie pas : il est en guerre.
Macron a-t-il déjà reculé ? Oui. C’était il y a un an, au plus fort des Gilets Jaunes. En décembre 2018. Le seul moment de sa vie politique où il a eu peur. Ce samedi-là, les Champs Élysées se couvrent de barricades pour la troisième semaine consécutive. Un aéroport est envahi. Une préfecture est en feu. Des milliers de ronds-points sont occupés. Plusieurs péages s’embrasent sur les autoroutes. Le palais présidentiel est quasiment atteint par les manifestants. Les actions sont innombrables, multiples, totalement incontrôlables. Presque partout, la police bat en retraite.
À ce moment là, Macron apparaît livide, tremblant. Les hôtels particuliers de ses amis et le quartier le plus luxueux de France, le 16e arrondissement, ont été saccagés. Autour de Macron, dans les cercles patronaux, chez les possédants, c’est la panique. Évidemment : la plèbe est en bas de chez eux. Ingérable. La semaine suivante, la révolte est contenue par une police militarisée et un dispositif de propagande médiatique jamais vu. Mais Macron aura retiré sa taxe, fait quelques concessions. Il s’en fallut de peu, à ce moment là, pour lui arracher beaucoup plus. Si le soulèvement avait tenu, s’il avait été soutenu.
En ce début d’année 2020, le président et ses amis affichent à nouveau leur morgue, leur toute puissance, leurs caprices, malgré une mobilisation historique. Le constat est terrible. Le temps des négociations, des luttes concertées, des manifs encadrées loin des lieux de pouvoir est fini. Dans le régime du capitalisme autoritaire, c’est uniquement lorsque les puissants ont peur pour leur intégrité physique et leurs biens personnels qu’ils reculent.