La fresque en hommage à Steve dégradée puis repeinte : entretien avec les graffeurs


«Les auteurs des dégradations sont-ils des fascistes qui admirent la police ou des policiers qui admirent le fascisme ?»


Le 21 juin dernier, sur le Quai Wilson, à Nantes, la police chargeait avec une violence inouïe des centaines de personnes venues danser. Un jeune nantais, Steve, était mort noyé. Une grande fresque en hommage au défunt et contre les violences policières était réalisée sur ce quai. Dans la nuit de lundi à mardi, des tags obscènes de nature fasciste, signés «droite dure», s’amusant notamment de la mort de Steve, et barrant l’inscription «Justice Pour Steve» sont apparus.

Ce mercredi matin, les deux peintres avaient déjà réparé les dégâts, sous la pluie, à la demande des proches de Steve, qui ont également réagi : « Je suis curieuse de savoir quel genre d’individus malfaisants et analphabètes se cache derrière la « droite dur » pour revendiquer un geste gratuit, violent, particulièrement obscène et haineux. Un acte nauséeux »

Entretien avec les artistes militants

Comment avez vous réalisé cette peinture ?

On a fait ça immédiatement après les faits, en juillet dernier, alors que l’ambiance à Nantes était comme suspendue, depuis la disparition de Steve. Tout le monde ne parlait que des violences policières, et de l’attaque de la fête de la musique. On a voulu réagir, on a pris un mur de la mairie sans demander de permission, situé à l’endroit du drame. La fresque était achevée le jour où la noyade de Steve était confirmée, à quelques mètres d’ici…

Et depuis ?

La justice fait tout pour enterrer l’affaire, qui apparemment n’avance pas. Mais les Nantais se sont approprié ce mur comme les autres peintures réalisées pour Steve. C’est un témoignage, une présence contre l’oubli et l’injustice. On vient réparer la fresque au plus vite parce qu’on a reçu des messages de gens choqués, notamment des proches de Steve. Mais rien ne dit que les fascistes ne reviendront pas à nouveau souiller cet hommage.

Avez-vous identifié les auteurs ?

Difficile à dire. Des fascistes qui admirent la police ou des policiers qui admirent le fascisme ? La frontière est floue. On sait très bien qu’à Nantes, depuis des années, il y a une culture de l’extrême droite dans la police. D’ailleurs la charge qui a provoqué la mort de Steve a eu lieu au moment où un DJ passait une chanson contre le FN. Les tags réalisé sur la fresque, du style «glou glou» et «qui s’y frotte s’y pique» font penser à certains commentaires de gendarmes et de policiers repérés sur les réseaux sociaux l’été dernier. Ce qui est certain, c’est que les différents groupuscules d’extrême droite à Nantes sont peu nombreux et identifiés, mais qu’ils continuent à commettre des exactions impunément.

Les médias locaux et nationaux se font l’écho de cette «fresque vandalisée», qu’en pensez-vous ?

Beaucoup d’articles en parlent, mais regardez, il suffit d’un peu de peinture pour réparer. Ça n’est rien comparé à la douleur des proches de victimes de la police. On aurait préféré que les journalistes n’en parlent pas. Les fascistes ne méritent pas une telle couverture médiatique qui va les inciter à recommencer. On préférerait que la presse travaille plus sur les luttes en cours et la répression.

Votre sentiment ?

Un grand mépris. C’est une illustration de ce que c’est l’extrême droite à Nantes. Une bande de types qui vient saccager en pleine nuit un hommage à un jeune homme mort. Qui crache sur la mémoire d’une victime. Les mêmes qui ont mis des croix gammées à la fac récemment, ou saccagé d’autres fresques ailleurs. Les mêmes qui ont tenté de tuer deux adolescents en mai 2017. Le summum de la lâcheté au service de l’ordre en place.

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