Derrière les applaudissements et les discours sirupeux, les logiques économiques mortifères toujours à l’ordre du jour
« Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour […] La santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux […]. Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché.«
Emmanuel Macron, le 12 mars 2020
Il y a les discours, et il y a les actes. Comme souvent, le gouvernement fait preuve d’une dissonance cognitive troublante.
A Nancy, dans l’épicentre de l’épidémie de Coronavirus, l’hôpital a du faire face à un afflux inédits de patients dans un état grave, à des drames, au manque de moyens. Depuis trois semaines, le personnel s’est démené pour faire face à la situation et gérer les manques catastrophiques, et sont parvenus à réorganiser les services pour passer en urgence de 70 à 160 lits de réanimation.
En réponse, ceux et celles que le gouvernement qualifie de «héros» à la télévision viennent d’apprendre que l’État allait supprimer 600 postes au CHU de Nancy. Le directeur de l’Agence Régionale de Santé du Grand Est annonce tranquillement, en pleine crise sanitaire : «Les suppressions d’emploi ont été validées, tout a été travaillé en transparence. Je le répète, ce plan, c’est un fantastique outil de progrès». Le même explique qu’il n’y a «pas de raison de remettre en cause» les politiques menées avec l’épidémie de Covid, ou encore que «le dossier devait être examiné début juin. La trajectoire restera la même en faisant le pari du développement de la chirurgie ambulatoire et de la rationalisation des installations en passant de 7 sites à un seul». Ce plan prévoit la suppression de 174 lits et 598 postes en cinq ans.
Les équipes ont répondu par un communiqué de colère, estimant les propos « déconcertants, indécents, et «totalement décalés».
«Évoquer de tels chiffres à l’heure où les équipes vont au bout du bout de leur investissement personnel […] témoigne d’une absence de compréhension des réalités de terrain et d’empathie par rapport aux soignants, ce qui ne manquera pas de les blesser en plein combat», selon le président de la commission médicale du CHRU et le maire de Nancy.
Cette affaire démontre que la machine à briser des vies pour le profit ne s’arrêtera pas toute seule. Que derrière les discours sirupeux et les appels à «l’unité nationale», les logiques économiques inhumaines sont toujours à l’ordre du jour. Ceux qui appellent à applaudir les soignants à 20h veulent continuer à saccager la santé. Si nous ne sabotons pas leur machine mortifère, elle continuera de tourner de plus belle, sitôt la crise passée.