Nantes : contre les violences policières et le racisme, des milliers à braver l’interdiction de manifester

Il n’y a pas besoin de traverser l’Océan Atlantique pour voir et subir le racisme, les violences d’État, l’impunité policière. A Nantes, ces trois dernières années, trois nantais sont morts entre les mains de la police : Abdou, un père de famille étouffé chez lui lors d’une interpellation par plaquage ventral. Aboubacar, abattu d’une balle tirée par un CRS dans son quartier. Et Steve, mort noyé lors d’une attaque policière de la fête de la musique.

Trois noms, trois familles endeuillées, trois affaires qui dorment dans un bureau du ministère de la justice. Il faut ajouter les milliers de nantais et nantaises qui ont été blessées, mutilées, humiliées ces dernières années par les forces de l’ordre. Au moins 4 ont perdu un œil. Impunité totale.

C’est dans ce contexte local lourd qu’une manifestation a lieu samedi 6 juin. Comme partout, les images de l’insurrection aux USA jouent le rôle d’électrochoc : la jeunesse nantaise est présente, nombreuse, au rendez-vous. Le préfet, toujours là pour attiser les tensions, avait interdit la manifestation, provoquant des tensions d’entrée de jeu à Commerce, avec des contrôles, des amendes, et une tentative d’arrestation, dans un centre ville quadrillé par les uniformes.

Le cortège démarre en direction de la Loire, s’arrête au bout de quelques mètres, genoux à terre et poings levés. Nous sommes des milliers. Un service d’ordre apparemment lié à une association sportive s’improvise. Le cortège marche jusqu’au mémorial de l’esclavage, où un nouveau temps d’arrêt, silencieux, a lieu. Symbole fort rappelant l’histoire coloniale de Nantes, et dénonçant la perpétuation du racisme.

Retour vers le centre-ville. Le défilé tâtonne, s’arrête, avant de monter sur la Place Graslin. Nouvelle pause, nouveaux slogans. Il y a beaucoup de pancartes et de créativité. Petit à petit, la foule descend en ordre dispersé vers la Place du Commerce. Il y a autour de 4000 personnes. Sur les marches de la FNAC, des banderoles sont déployées, et un membre du service d’ordre improvisé appelle à dissoudre le rassemblement, «vous pouvez rentrer chez vous». Trop court pour certains manifestants, qui repartent vers le Cours des 50 Otages, où ils sont immédiatement gazés. Grenades lacrymogènes en tir tendus, déploiement de la BAC, feu d’artifice, le ton change brusquement. Ce défilé ira jusque dans les rues de Bouffay avant de se disperser à son tour.

Aux USA, de longues nuits insurrectionnelles ont forcé les autorités à arrêter les policiers qui ont tué George Floyd et à les poursuivre, ce qui d’ordinaire n’arrive jamais. À présent, le plaquage ventral est interdit à Minneapolis, le maire doit rendre des comptes et les élites tremblent. À Nantes, où trois personnes ont trouvé la mort, il n’y a toujours pas la moindre amorce de début de justice. Peut-être que les autorités n’entendent pas les demandes trop polies ?


Alors que le cortège venait de scander «Pas de justice pas de paix» pendant des heures, le groupe qui appelait à la dispersion se félicitait : «Nantes est une ville de paix, Nantes a su rester sage». Trop sage ?


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