Nantes : des colleuses violentées par la police et poursuivies par la justice !


Le 14 juillet, une équipe de colleuses féministes a subi une répression hallucinante de la part de policiers nantais : arrestations arbitraires, menaces, injures, strangulations, gardes à vue et pour finir, poursuites judiciaires ! L’une d’elle risque jusqu’à 5 ans d’emprisonnement. C’est la première fois qu’une équipe de colleuses va devoir subir un procès pour avoir placardé des affiches Et c’est à Nantes. L’audience aura lieu en avril prochain.


Voici le récit complet des femmes agressées. A faire circuler.

« LA VIOLENCE POLICIÈRE NE NOUS FERA PAS TAIRE

Dans la soirée du 14 juillet 2020, journée de célébration de la République, notre groupe de six colleur·se·s a été violemment interpellé par la police à Nantes. Nous nous trouvions près d’un collage “Liberté, égalité, impunité” lorsque deux agents nous ont interpellé·e·s.

L’interpellation, réalisée par deux agents de la Brigade canine (tous deux portaient un écusson de cette brigade sur leur uniforme), a été filmée par nos soins. Dès leur arrivée face à nous, les deux agents qui ont procédé à notre interpellation ne nous ont pas semblé être dans leur état normal et nous émettons des doutes sérieux concernant leur capacités de discernement. Nous nous questionnons également sur leur attitude et sur la violence dont ils ont fait preuve dès le début de l’interpellation, l’un d’entre eux ayant arraché le portable des mains de l’une d’entre nous avant de s’en prendre à elle physiquement. L’agression physique vécue par deux d’entre nous a duré près de quinze minutes avant que d’autres agents, appelés en renfort, arrivent sur les lieux et nous embarquent tou·te·s au commissariat de Waldeck-Rousseau, au motif de “Violences en réunion sur personne dépositaire de l’autorité publique”.

Sur les six interpellé·e·s, deux ont été victimes d’agressions physiques : la personne qui s’est fait arracher son téléphone des mains, sans raison, a subi plusieurs étranglements, des clés de bras et de poignets de la part d’un des deux agents. Une fois les renforts sur place, elle a aussi subi un menottage très serré malgré ses nombreuses demandes de desserrement, ce qui a provoqué des blessures aux poignets. Après l’interpellation, elle a été également menacée directement au sein du commissariat, par un agent de la BAC qui a tenu les propos suivants: “Y’a pas intérêt à ce que ma tête se retrouve sur internet demain”. La seconde personne violentée a subi une clé d’étranglement, elle a été violemment projetée à terre et porte encore aujourd’hui les marques d’un menottage trop serré, ainsi qu’une dizaine de bleus dûment constatés par deux médecins, dont un légiste. Nous avons tou·te·s été victimes d’agressions et de violences verbales tout au long de l’interpellation et pendant la garde à vue : des propos sexistes, misogynes (nous avons notamment été qualifié·e·s d’hystériques par plusieurs agents), dégradants ainsi que des humiliations diverses et des insultes. Notre garde à vue a duré 21 heures pour cinq d’entre nous et 22 heures pour l’une des deux victimes de violence. Durant cette garde à vue, nous avons subi des privations de nos droits les plus élémentaires, notamment le refus de nous fournir nos traitements quotidiens pourtant dûment signalés aux médecins en début de garde à vue, ce qui a provoqué des effets graves : crises d’angoisse, effets secondaires d’un sevrage imposé et dangereux pour notre santé.

À cela s’ajoutent de graves manquements quant aux respects de certaines règles d’hygiène en temps d’épidémie de Covid-19 de la part d’un service public : pas de masques mis à disposition, de nombreux policiers sans masque, des cellules avec des crachats sur la porte et les murs mais aussi des traces de sang sur les murs et la banquette, ainsi que des toilettes pleines de déjections.

Nos affaires personnelles ont été fouillées et lors de leur restitution à la fin de la garde à vue, un des téléphones n’était plus en état de fonctionnement et des lunettes de vue avaient été cassées.

Nous, féministes, nous inquiétons face à la brutalité grandissante de l’institution policière à notre encontre. Nous avons tou.te.s subi dans notre vie des violences et/ou des viols, auxquels s’ajoutent désormais des violences venant des représentants de l’institution censée nous protéger. Les forces de l’ordre sont notre premier interlocuteur dans un parcours judiciaire, lorsque nous dénonçons les violences dont nous sommes victimes. Dans ces conditions, comment pouvons-nous sereinement nous adresser à une institution si intrinsèquement et notoirement misogyne et raciste ? Cette affaire est révélatrice d’une énorme intensification de la répression policière depuis un mois, rapportée par de nombreux collectifs féministes partout en France : contrôles houleux, gardes à vues illégales (car le collage est contraventionnel et non délictuel), amendes, sont devenu·e·s la norme. Elle est le symptôme de l’impunité d’un système policier tout puissant, qui n’hésite pas à user de la violence pour tenter de faire taire celleux qui luttent pour une société plus juste et pour la fin des violences envers les populations discriminées.

NOUS TIRONS LA SONNETTE D’ALARME :

Nous appelons à une condamnation systématique, par le gouvernement et ses représentants, de toutes les violences verbales et physiques commises par les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions. Leur mission de protection et leur devoir d’exemplarité sont des impondérables, qu’il est indispensable de garantir, et celleux qui y dérogent doivent être sanctionné·e·s systématiquement. Nous avons éprouvé dans notre chair lors de cette interpellation et de cette garde à vue ce que subissent quotidiennement et depuis des décennies, dans l’indifférence générale, toutes les populations discriminées de par leur appartenance réelle ou supposée à une classe sociale, à un groupe ethnique ou à une catégorie de genre : les personnes racisées et/ou étrangères, les personnes sans-abri, les personnes issues de quartiers dits “prioritaires”, les travailleur·euses du sexe ainsi que les personnes LGBTQIA+. Nous sommes solidaires de toutes leurs luttes.

NOS REVENDICATIONS :

Nous exigeons que les deux policiers responsables des violences physiques sur deux d’entre nous soient démis de leurs fonctions.
Nous exigeons que la formation des forces de l’ordre sur les violences faites aux femmes et aux personnes LGBTQIA+ devienne obligatoire et non plus sur la base du volontariat.

NOUS NE NOUS LAISSERONS PAS FAIRE :

Le procès est fixé au 19 avril 2021 à Nantes. Sur les six personnes interpellées, nous sommes quatre convoquées au Tribunal avec les chefs de prévention suivants :

  • L’un·e d’entre nous risque la prison ferme pour le motif suivant : “violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique sans ITT”, avec une peine encourue pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
  • Les quatre personnes incriminées pour “avoir, sans arme et en réunion, opposé une résistance violente” sont passibles de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, y compris si l’action de la police était illégitime (article 433-6 du Code Pénal); ce qui est le cas puisqu’il n’y a pas eu de flagrant délit constaté et que le collage est contraventionnel et non pas délictuel.

Nous avons démarré notre riposte judiciaire : nous avons d’ores et déjà contacté deux avocat·e·s, nous avons aussi fait constater par des médecins les traces physiques suite aux coups qui nous ont été portés et ferons également constater les séquelles psychologiques des différentes formes de violences dont nous sommes victimes. Le dépôt des plaintes auprès du Procureur de la République de Nantes et les signalements auprès de l’IGPN sont également en cours. Nous comptons enfin alerter différentes instances de défense des droits et les informer de nos conditions indignes de garde à vue. La criminalisation des militant·e·s doit cesser !

ILS NE NOUS FERONT PAS TAIRE !

Les interpellé·e·s du 14 juillet »


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