Drame à Beyrouth : le Liban en deuil


Crise économique, industrie chimique, précédents historiques : perspectives


Au moins 100 morts, des milliers de blessés, des scènes de désolation sur des kilomètres à la ronde. La ville de Beyrouth est frappée par une catastrophe survenue hier. Un dépôt contenant de l’engrais chimique, du nitrate d’ammonium, stocké depuis des années sur le port, a explosé, provoquant une déflagration terrible. L’explosion a été aussi forte qu’un séisme de 3,3 sur l’échelle de Richter. Le bruit a été entendu jusque sur l’île de Chypre. En plus des dégâts de l’explosion, la fumée provoquée pourrait être toxique pour la population. C’est un désastre humain, écologique et économique.

Ce drame a lieu sur fond de crise économique au Liban. Des mouvements sociaux importants ont d’ailleurs lieu depuis des mois contre la pauvreté et la corruption des élites. Dans ce pays où les autorités sont accusées d’incompétence et d’opacité, ces 2750 tonnes d’engrais dangereux restées sans surveillance en pleine ville posent question. Il y a forcément des questions d’argent et de profit. Et c’est encore une fois la population qui paie de sa vie ces choix dramatiques.

La France a connu des accidents industriels comparables. Pour mémoire, le 21 septembre 2001 l’usine AZF de Toulouse, qui stockait du nitrate d’ammonium – le même produit qu’à Beyrouth mais en moindre quantité – explose faisant 31 morts et 2500 blessés. Onze ans après le drame, la cour d’appel de Toulouse condamne la société et son propriétaire. La décision est annulée en cour de cassation. En 2017, la cour d’appel de Paris les condamne à quinze mois de prison avec sursis et à 225.000 euros d’amende. Il aura fallu 16 ans pour que la justice rende une décision insuffisante pour les familles des victimes.

En 1947, dans le port de Brest, un navire contenant 1700 tonnes de nitrate d’ammonium, l’Ocean Liberty, explose. Les témoins décrivent : «Un champignon semblable à ceux des explosions atomiques s’est formé dans le ciel». Le souffle projette des milliers de débris pesant jusqu’à plusieurs tonnes sur des longueurs dépassant les 15/20 mètres… Officiellement, il y a 26 morts, 1000 blessés lourds et 4000 blessés légers. Des milliers de maisons et immeubles sont détruits. À la sortie de la guerre, la ville est quasiment rasée de nouveau. Et dans les jours qui suivent l’explosion, de nombreux enfants tombent «mystérieusement» malades.

Et dans l’estuaire de la Loire ? L’usine d’engrais Yara, située à Montoir de Bretagne, près de Saint-Nazaire, rejette des produits chimiques dangereux dans la Loire, notamment du phosphore, de l’azote et des poussières toxiques au dessus les seuils préconisés. Cette usine produit notamment… du nitrate. Potentiellement explosif. L’usine a été dénoncée à plusieurs reprises par des écologistes et des Gilets Jaunes. Face à la dangerosité de ce site, les autorités ont même mis en demeure l’entreprise. Après l’incendie de Lubrizol à Rouen, chacun sait que les accidents industriels ne sont pas exclus sur notre territoire.

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