« Casseurs », médias et stratégie : quelques réponses


Réponses aux remarques entendues ces derniers jours


Depuis une semaine, la question des «casseurs» et des «black blocs» monopolise les débats. Les chaînes dominantes diffusent en boucle des sujets sur les «violences» et appellent à augmenter la répression alors même que des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue contre une loi liberticide. Cette manipulation crée d’importantes divisions au sein même du mouvement en cours. Quelques réponses pour déjouer les pièges et la confusion :

«Les revendications sont éclipsées par les violences»

C’est un titre lu dans Le Monde et une idée répandue chez une partie des opposants au gouvernement. En d’autres termes, le «black bloc» retiendrait l’attention au détriment de la manif. Sauf qu’il est prouvé que c’est faux. Plusieurs études montrent que les manifestations paisibles ne passent quasiment pas dans les médias, et que leurs revendications ne sont jamais entendues. On peut le déplorer, s’en indigner, mais c’est un fait que vous aurez tous constaté. On ne compte plus les dizaines de manifestations d’enseignants, d’ouvriers, de soignants ou d’autres professions qui passent totalement inaperçues – quelques secondes en fin de JT – parce qu’elles restent sages. Paradoxalement, l’obsession médiatique pour les débordements bénéficie à la mobilisation du moment, puisqu’elle fait exister un mouvement dans le débat. Elle pousse le pouvoir à réagir plutôt que d’ignorer totalement le sujet.

«Les médias ne parlent que des affrontements»

C’est en partie vrai. Mais dans ce cas c’est le traitement médiatique qu’il faut dénoncer, et pas les actions directes de certains manifestants. Quand bien même vous ne partagez pas leurs méthodes, ce ne sont pas eux qui sont dans les rédactions. Si BFM TV ne faisait que des sujets sur ceux qui collent des autocollants dans les manifestations, au détriment de toutes les autres actions et revendications, c’est BFM qu’il faudrait blâmer et non les colleurs d’autocollants. Quoiqu’il en soit, se focaliser sur les affrontements sans dénoncer ce qui les provoque, c’est dénoncer les conséquences sans parler des causes : totalement malhonnête.

«La violence ne résout rien»

Depuis quarante ans, le nombre de mobilisations victorieuses est infime. Pourtant, les gouvernements ont tout cassé : retraites, droit du travail, écologie, libertés publiques, santé… Les rares victoires ou petites avancées se comptent sur les doigts d’une main. Parmi elles, le retrait du CPE, arraché par 3 mois de manifestations sauvages et d’émeutes de la jeunesse. Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, annulé par une résistance acharnée sur le terrain. Et quelques concessions pendant les Gilets Jaunes, obtenues parce que Macron était terrorisé par le climat insurrectionnel. Dans un monde idéal, il suffirait d’avoir les bons arguments pour faire entendre raison au gouvernement. Dans la réalité, il n’y a que quand le pouvoir se sent menacé qu’il lâche du lest.

«Les casseurs nous discréditent»

Une partie de la gauche dénonce les «casseurs» mais s’enthousiasme sur les insurrections, souvent plus violentes, qui ont lieu ailleurs, du Chili à Hong Kong jusqu’aux USA. C’est une véritable dissonance cognitive. Cette incohérence est aussi historique : on ne peut pas prendre la Révolution française, la Commune de Paris ou la Résistance pour références – c’est à dire des moments de lutte armée – tout en dénonçant la première poubelle brûlée. Un peu de logique.

«La police laisse faire les casseurs»

Cette remarque, entendue partout, n’est pas seulement complètement absurde, vu les milliers de peines et de blessures qui tombent sur les manifestants ces dernières années, elle est aussi inquiétante politiquement. En disant que la police «laisse faire», vous insinuez qu’elle ne réprime pas assez, ou pas assez efficacement. En bref, vous appelez à encore plus de répression, plus d’arrestations, plus de sanctions. Et ça, c’est exactement ce que réclament les syndicats policiers d’extrême droite. Et c’est exactement l’objet de la «loi de sécurité globale».

«Et les mouvements pacifistes ?»

Deux citations pour y répondre : «Les barricades sont les voix de ceux qu’on n’entend pas», du pasteur non-violent Martin Luther King. Autrement dit, lorsque l’injustice est trop forte et que le pouvoir ne veut rien entendre, la révolte est légitime. Malgré tous ses appels au calme, Luther King a d’ailleurs été assassiné, et le soulèvement massif de milliers d’afro-américains a fait vaciller l’Amérique raciste de l’époque. Quant à l’autre modèle des apôtres du pacifisme, Gandhi, il avait déclaré : «Là où il n’y a le choix qu’entre lâcheté et violence, je conseillerai la violence». En somme, c’est le pouvoir qui fixe le niveau de tension. Si les revendications légitimes contre le Régime autoritaire étaient entendues, il n’y aurait pas besoin de révolte. Si le capitalisme n’était pas aussi violent, il n’y aurait pas de violences en retour.


Ne laissons pas les médias aux ordres inverser le réel, nous diviser, et confisquer le récit de nos résistances.


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