En fin de manif contre la Loi de sécurité globale à Marseille : «j’ai été traitée de petite pute, de salope tout le long du trajet suivant mon interpellation»
C’était le samedi 12 décembre, des centaines de milliers de personnes étaient dans les rues pour défendre les libertés. À Marseille aussi, une manifestation avait lieu. En fin d’après-midi, la police charge. Anastasia, une adolescente de 15 ans, mesurant 1 mètre 60, court «sans voir qu’un policier l’avait rattrapée». L’agent lui donne un coup derrière la tête, puis pratique une clé de bras et un étranglement pour l’immobiliser. Anastasia perd connaissance. Lors de l’interpellation, l’adolescente s’est fracassée la mâchoire au sol, abîmant gravement ses incisives. Les passants choqués filment la scène. On voit la mineure sonnée, titubant, le regard hébété et le visage couvert de sang.
Anastasia raconte sa garde à vue : «J’ai été traitée de petite pute, de salope tout le long du trajet suivant mon interpellation» alors qu’elle est gravement blessée. Sur les vidéos on entend les policiers mettre des coups de matraque dans une voiture ou dire clairement aux manifestants qui filment : «Casse-toi, arrache-toi». Une fois au commissariat, elle demande de l’eau ou des mouchoirs pour s’essuyer la bouche et les cheveux en sang. Réponse des agents ? «Ta gueule» puis «essaye de ne pas en foutre partout». Des propos étayés par l’amie d’Anastasia, elle aussi au commissariat. Elle subit aussi des remarques comme «t’as une belle tête de Grecque toi», et d’autres allusions à ses origines. Les policiers, tous masculins, tiennent à la mineure des propos à connotation sexuelles à propos de «fouilles au corps». Au vu de ses blessures, les urgences confirment que son état de santé n’est «pas compatible avec une garde à vue». Elle est relâchée. Et porte plainte ultérieurement «pour les violences et humiliations policières».
Mais au lieu de voir ses agresseurs poursuivis, Anastasia est convoquée au commissariat mercredi 22 décembre, 10 jours après la manifestation, et placée en garde à vue, pour un «affrontement» supposé avec les forces de l’ordre. Les autorités prétendent qu’elle «était au sein d’un groupe sauvage composé de gilets jaunes et de membres de l’ultra-gauche» et qu’elle se serait «rebellée». «C’est très étonnant parce que les images et les coups à l’arrière du crâne ne disent pas ça du tout» explique l’avocate de la mineure. «C’est même malsain et affligeant de tenter de défendre ces brutalités policières sans même attendre l’enquête de l’IGPN. En plus, même si ma cliente avait braqué une banque, rien ne justifierait les violences, les insultes et les humiliations […] je trouve scandaleux de convoquer une adolescente traumatisée, apeurée et qui a des pertes de mémoire».
Nantes, Toulouse, Marseille, Rennes, Paris ou Lille, il n’y a plus de grande ville en France qui ne compte pas de violences barbares, de mutilations voire de vies volées par l’intervention des forces de l’ordre.
* Prénom modifié