Le milliardaire d’extrême droite ayant bâti sa fortune sur le pillage de l’Afrique, Vincent Bolloré, exerce une main-mise autoritaire sur le groupe Canal+ pour en faire un nouveau vecteur de son idéologie. C’est le scandale du moment dont tout le monde parle, notamment dans le microcosme journalistique. Pourtant, cette situation n’est pas surprenante, ni nouvelle.
À celles et ceux qui s’insurgent de cette situation, rappelons que la limitation des capitaux industriels et l’interdiction des concentrations dans les titres de presse, c’est la première mesure prise par le Conseil National de la Résistance en 1944. Alors que Paris vient tout juste d’être libérée, s’assurer de la liberté de la presse est la clé de voûte du combat idéologique contre le fascisme. D’autant que beaucoup de grands médias ont trempé dans la collaboration.
Curieusement, c’est aussi le premier verrou qui va sauter, et la concentration du capital dans les médias est aujourd’hui largement débridée. La loi française interdit tout de même à un groupe de posséder 30% de la diffusion de presse quotidienne d’information politique et générale. La règle dite des «deux sur trois» interdit à un même groupe de posséder à la fois une télévision de diffusion nationale, une radio de diffusion nationale et un quotidien de diffusion nationale, et ne lui autorise le contrôle au maximum que de deux de ces trois médias. Ces règles minimalistes n’empêchent pas la presse d’être très largement contrôlée par de grands groupes à la force de frappe financière et politique démesurée. Les neuf grands groupes de presse écrite et audiovisuelle, qui représentent 90% de ceux-ci, appartiennent à neuf milliardaires ! Le Monde Diplomatique publie régulièrement une cartographie des groupes médiatiques français.
Pendant ce temps-là, la presse indépendante est riche et variée, mais souffre d’une faible visibilité et se fait taper dessus en manif. En-dehors des médias totalement bénévoles, comme Nantes Révoltée, les journalistes précaires sont surtout libres de la fermer et d’aller à la chasse à la pige.
S’étouffer face à Bolloré voulant utiliser Canal+ pour mener la campagne de Le Pen, c’est oublier que c’est ce que le système médiatique permet depuis des années. Bolloré, Niel, Bouygues et autres Dassault : ce n’est jamais par philanthropie que des richissimes s’approprient des médias, mais bien par opportunisme politique, par exercice du pouvoir et pour la conservation de ce pouvoir.
Il est à noter que les «chaînes du service public» se font également souvent les relais du gouvernement et de sa police, rappelant la grande époque de l’ORTF, oubliant leurs rôles d’information et d’esprit critique supposés au fondement de leur existence. Le problème n’est d’ailleurs pas que français, il suffit de regarder aux État-Unis à chaque élection présidentielle, ou en Italie avec Berlusconi et l’empire Mediaset qui le porte au pouvoir dès 1994.
Vous pouvez regarder à ce sujet le documentaire «La fabrique du consentement» de Noam Chomsky, une étude instructive de ces liens entre pouvoir et médias.
Pouvoir et médias marchent main dans la main dans une société capitaliste qui fait la part belle à la diffusion d’idéologies nauséabondes et stéréotypées. Un petit passage sur le site d’Acrimed – Action-Critique-Médias ou une lecture du journaliste Samuel Gontier, qui recense le torrent d’extrême droite imposé quotidiennement sur les plateaux, permettent de s’en rappeler.
Si nous voulons abattre cette société néfaste, il nous faudra aussi abattre ces médias qui ne nous proposent qu’une alternative entre le libéralisme policier et le fascisme néolibéral. C’était le cas avant les révélations sur Bolloré, cela n’a pas changé.
Soutenez les médias indépendants ! Soutenez Nantes Révoltée et les autres contre-pouvoirs !
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.
Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.