Bienvenue dans un monde où plus rien n’a de sens, où les mots sont vidés de leur substance, où le réel est renversé. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, issu de l’extrême droite, accusé de viol, a inauguré son «Beauvau de la sécurité» cette semaine. Une série de conférences pour renforcer plus encore le pouvoir de la police en France.
Lundi, la première «table ronde» avait lieu sur le thème du «lien entre les forces de l’ordre et la population». Pour cette inauguration, le ministre avait invité «des responsables de la police nationale et de la gendarmerie, des syndicats de policiers, quatre parlementaires et autant de maires». Mais aucun collectif de la société civile, et encore moins, évidemment, de personnes concernées par la répression. Un débat «entre-soi». Séparatiste en somme.
Plus hallucinant encore, dans son introduction, Gérald Darmanin a placé sa réflexion sous le patronage du Mahatma Gandhi et d’Antonio Gramsci. Pour rappel, Gandhi, militant anticolonialiste indien et animé par un pacifisme mystique, est la référence mondiale de la non-violence. Repris par le premier flic de France, à la tête d’une milice surarmée et hyper-violente donc. Quant à Gramsci, il s’agit d’un intellectuel communiste italien, emprisonné par le régime fasciste de Mussolini et mort derrière les barreaux. Gramsci est un grand penseur de la gauche révolutionnaire, à qui l’on doit notamment le concept d’hégémonie culturelle. Darmanin, représentant d’un Régime autoritaire, violent, liberticide, récupère sans honte un pacifiste et un communiste antifasciste. Cela pourrait faire rire si ce n’était pas écœurant.
Derrière la provocation politique, un projet très sérieux. Darmanin reprend à Gramsci l’idée d’un «combat culturel». Le penseur italien estimait qu’il fallait d’abord gagner un combat dans les esprits pour préparer la Révolution. Darmanin veut imposer une domination «culturelle» de la police dans les têtes. Le ministre a évoqué l’idée d’adapter la police «à la société de l’image», notamment à travers des «séries télé» donnant une bonne image des forces de l’ordre. C’est déjà le cas depuis des années, on se demande donc comment cette propagande du quotidien pourrait aller plus loin. Il a aussi développé l’idée de recruter des «comunity managers» pour créer des contenus «adaptés à un public jeune (15-25 ans)», créer des «vidéos immersives ou incarnées» et développer «une stratégie d’influence».
C’est donc une véritable stratégie contre-insurrectionnelle que forge le pouvoir. Pour accompagner la militarisation de la police, les violences d’État et la société de contrôle, de nouveaux moyens seront consacrés à conquérir les esprits, notamment ceux des plus jeunes, à l’aide de mécanismes de manipulation. Une guerre psychologique.
Source : https://www.lemonde.fr/…/premier-rendez-vous-manque…