Face à Farida : l’État coupable, la police complice


Aujourd’hui 22 février comparaissait Farida C., infirmière, au tribunal de Paris pour violence et outrage


➡️ Les faits reprochés à l’infirmière sont simples : avoir craqué. Et pour avoir craqué, sans soutien de son employeur en pleine crise sanitaire, Farida risque jusqu’à 3 ans de prison et 45.000€ d’amende. Concrètement, lors de la manifestation du 16 juin dernier à Paris, des insultes envers les policiers et deux projectiles lancés dans leur direction sans toucher personne. L’affaire paraît banale lorsque, à chaque contestation sociale, la réponse du pouvoir est de réprimer toujours plus. La colère monte, jusqu’à ce que des personnes répondent aux agressions des autorités, puis se fassent arrêter violemment.

➡️ Mais l’affaire avait été médiatisée au mois de juin, car elle est symbolique : infirmière en unité COVID à l’hôpital, elle avait aussi contracté la maladie faute de protections suffisantes alors qu’elle était en première ligne. Et les images de policiers traînant par les cheveux cette femme asthmatique, vêtue de sa blouse et réclamant en vain sa ventoline, avaient fait la Une des JT. Notre article après son arrestation à lire ici.

➡️ S’attendant à juger d’une banale histoire de violences, la salle d’audience prévue se montre vite trop petite pour le public venu en nombre aujourd’hui. De nombreux soutiens, mais aussi beaucoup de journalistes qui viennent couvrir ce dossier très politique : à quel point l’État est-il prêt à se défouler sur son infirmière ? Il faut changer de salle pour faire rentrer tout le monde.

➡️ Le procès commence par la défense de Me Arié Alimi, qui relève de nombreuses irrégularités dans la procédure, notamment des manquements à certains droits fondamentaux. L’avocat dénonce un «faux en écriture publique, ou en tout cas le mensonge d’un commissaire de police sur les conditions inhumaines de garde-à-vue» de Farida. De plus Farida avait demandé un avocat commis d’office dès le début de la procédure, vers 13h. Selon Me Arié Alimi, l’infirmière ne l’obtiendra qu’aux environs de 19h.

➡️ Sur les insultes reprochées à Farida, un commissaire de police témoigne : «J’ai entendu distinctement Madame dire des insultes extrêmement dures : « flic de merde », « sale pute à Macron »». «Même à 20m de votre position?» demande la juge. «Bien sûr !» répond le commissaire. Problème : lors du visionnage d’une séquence vidéo, on entend une voix dire quelque chose d’inaudible, on ne sait même pas si c’est Farida qui parle, alors que le micro est plus près d’elle que les lignes policières. Le commissaire, né avant la honte, n’hésite pas à mentir dans un tribunal. Mais il n’est déjà plus là, parti pour une «obligation professionnelle» : son travail de flic à la barre est déjà fini, peu lui importe la défense. Des doigts d’honneurs sont aussi reprochés à Farida, celle-ci s’explique par «un geste adressé à l’État, au gouvernement, pas à la police». Désemparée face à la réponse autoritaire et la gestion inhumaine du pouvoir, il s’agit plus d’un geste de résistance désespéré qu’une insulte à proprement parler. Enfin Farida se voit reprocher des jets de projectiles. Elle admet avoir lancé deux morceaux de bitume en direction des policiers, un geste plus symbolique que dangereux.

➡️ Une autre vidéo projetée au tribunal provient du téléphone de Farida elle-même, où on l’entend clairement répéter : «Donnez moi ma ventoline, elle est dans mon sac. Je m’appelle Farida, je suis infirmière pas une criminelle». On peut également entendre Farida supplier : «Je veux qu’on vienne avec moi, j’ai peur (…) Vous n’avez pas peur des cailloux, vous êtes armés». Mais aucune insulte. Par contre, lors de son interpellation, Farida sera frappée et traînée par les cheveux sur plusieurs mètres. Une policière indique dans son rapport, cité par la juge, l’avoir «saisit partiellement par les cheveux pour vous empêcher de fuir. Ils ont dû vous mettre dans une posture de semi-prosternation pour vous immobiliser». Terrorisée, ne comprenant pas la scène dans laquelle elle est brutalisée, justifier ces violences paraît inhumain. «J’ai été insultée, menottée sur un banc en métal pendant 8h alors que j’étais blessée. Aucune infirmière, aucun citoyen ne mérite ce qu’on vient de voir. J’ai été cassée mentalement, toute ma famille est brisée, personne ne mérite ça».

➡️ Ce qu’a connu Farida n’est pas lié à ses actes en tant que tels, ni à sa condition d’infirmière ou de manifestante d’après la police, mais au contexte de la manifestation et à la présence d’une «nébuleuse Black Bloc». Ce mot qui fait peur et permet aux flics de justifier les pires horreurs est vite démonté par Me Alimi : «La crédibilité du témoin en dépend. Le PV d’ambiance qui mentionne ce terme évoque l’interpellation d’un journaliste car il portait un masque à gaz. Est-ce ça la nébuleuse?» Jamais définie, la figure fantasmée du Black Bloc sert de prétexte à tous les déchaînements : aujourd’hui c’est Farida qui en fait les frais. Pour terminer l’audience, elle clame «Je ne suis pas quelqu’un de violent. La seule violence que je connaisse c’est quand je rentre à la maison éreintée. C’est la fin de mois difficile. La violence, c’est ce que vivent les soignants et les patients».

➡️ Le verdict sera rendu le 3 mai au tribunal de Paris, alors que la procureure réclame deux mois de prison avec sursis.


Source : https://twitter.com/LeMediaTV/status/1363763610166689792

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