Génocide au Rwanda : la France refuse toujours d’admettre sa complicité

26 mars 2021, la commission désignée par Emmanuel Macron pour éplucher des archives officielles (jusque là restées secrètes) et délivrer un rapport sur le rôle de la France dans le génocide au Rwanda, a rendu son verdict : tout soupçon de complicité de la France est écarté. Pourtant, de nombreux faits connus amènent à penser le contraire. Des faits qui devraient contraindre l’État français, ou du moins certains de ses représentants, à être jugés pénalement. Écarter les soupçons de complicité est donc le meilleur moyen de ne jamais rendre justice.

Quelques rappels :

Dès 1990, le gouvernement a connaissance du risque génocidaire qui pèse au Rwanda. Différents services de l’État alertent le président François Mitterrand, qui soutient malgré tout le gouvernement Rwandais en alors en place (le président Habyarimana). Un colonel de gendarmerie, René Galinié, chef de la Mission d’assistance militaire au Rwanda a informé que 700.000 Tutsis risquaient d’être assassinés. Le terme d’«amorce d’un processus génocidaire» apparaît dans les notes du secrétariat de la défense nationale (SGDN). Même la DGSE transmet des rapports sur les persécutions en cours mais le pouvoir français ferme les yeux. En juin 1990, lors du Sommet de La Baule qui accueille les chefs d’État de France et d’Afrique, François Mitterrand leur annonce son soutien financier.

Soutien financier, certes, mais aussi militaire : l’ancien gendarme de l’Élysée, Paul Barril, a signé des contrats d’armement et de soutien militaire avec le gouvernement rwandais, notamment un contrat pour une livraison d’armes et d’hommes d’un montant de trois millions de dollars. Selon Paul Barril ce dernier contrat n’a jamais été appliqué. Pourtant il apparaît clairement qu’il entretenait des relations avec les forces génocidaires à Kigali où il se trouvait en 1994. Et en mai 1994 des hauts gradés du gouvernement rwandais sont reçus à Paris : la France continue de leur promettre un soutien militaire et financier.

La fuite en juillet 1994 : Le cabinet d’Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères (son directeur est alors Dominique de Villepin) a donné l’ordre à l’ambassadeur Yannick Gérard de permettre aux principaux membres du gouvernement responsable du génocide de s’enfuir au Zaïr, pays de repli pour continuer le combat. La France, qui contrôlait militairement la zone, a donc poliment escorté les responsables du génocide et évité toute arrestation ! Le document qui prouve la complicité de la France dans cette fuite est signé par Bernard Emié, l’actuel directeur de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

Des remerciements : Dans une note écrite le 6 mai 1994, Théodore Sindikubwabo, qui dirige le Rwanda après l’assassinat du Président Habyarimana, et qui commandite les massacres des Tutsis, remerciera personnellement Christian Quesnot, le chef d’état-major particulier de François Mitterrand, pour ce qu’il a «fait pour le Rwanda». Le général Quesnot, qui craignait l’établissement d’un «Tutsiland», conseillait le gouvernement d’appuyer un soutien stratégique aux forces du pouvoir rwandais. Remerciements et conseils dont avait pris connaissance Hubert Védrine, alors secrétaire général du Président de la République.

Le gouvernement français avait connaissance de ce génocide, cela même avant qu’il ne se produise, et a choisi délibérément de poursuivre son soutien militaire et financier durant les heures les plus sombres du Rwanda, permettant sans conteste le massacre de 800.000 tutsis. Le rapport dévoilé ce 26 mars fait état d’une «faillite française», d’un «déni de réalité», d’un «aveuglement» ou encore d’une «impossibilité de penser le génocide». Autant de termes qui permettent d’éviter les accusations de complicité, d’un point de vue pénal, et donc des poursuites judiciaires. De nombreux documents et témoignages prouvent que la France était alliée au gouvernement génocidaire. L’État ne s’est pas contenté de fermer les yeux, ce qui serait déjà accablant, mais son soutien s’est traduit par des actes. Des actes commis par des personnes qui exercent toujours actuellement. Permettre à des responsables d’un génocide de s’enfuir pour qu’ils puissent poursuivre le combat, comme l’a fait le cabinet d’Alain Juppé, en est l’un des exemples les plus frappants.

Soulignons aussi que la haine ne se déclenche pas en une nuit. Ce génocide, comme d’autres, est la conséquence d’une haine chronique alimentée contre la communauté Tutsis, accusés de tous les maux. Ainsi, dans une société où une ou plusieurs communautés sont la cible de nombreuses suspicions et accusations, les dirigeants réussissent facilement, à terme, à convaincre une partie de la population qu’il faut les exterminer. Au Rwanda, ce n’était pas seulement les milices gouvernementales qui ont tué les tutsis mais aussi des franges de la population radicalisée, abreuvée par des discours fascistes. Certains Tutsis ont été par exemple été exécutés par leurs propres voisins, convaincus par le pouvoir en place de la nuisibilité hypothétique des Tutsis. Et la France a aussi délibérément participé à ce développement de la haine : les français ont soutenu et renforcé la vision anti-Tutsis.


Ce sont des complicités de génocide


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