Denormandie en Bretagne
Le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, poursuivait son tour de France pour promouvoir la réforme de la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC), avec un passage à Nantes hier, après Rennes il y a quelques jours.
Pour rappel, la PAC est un projet européen créé en 1962, visant à la fois à garantir un certain protectionnisme agricole et “harmoniser” la production (en fait, l’intensifier) face au marché mondial. La PAC a subi plusieurs mutations au cours des 60 dernières années. Avec la PAC de la première décennie, se met en place la diffusion de l’utilisation de produits chimiques, d’expérimentations génétiques et de la mécanisation du monde agricole, au nom de la productivité, et aux dépends des «petits» paysans.
C’est d’ailleurs dans cette période que l’État français affiche clairement sa volonté d’en finir avec la paysannerie : ce que l’on veut durant les Trente Glorieuses, et aujourd’hui encore, ce sont des agriculteurs, pas des paysans. L’agriculteur symbolise le rendement, l’intensif, l’économie de marché, là où le paysan est le vestige rural d’un monde pré-mondialisation selon ces énervés capitalistes.
Les années 90 voient une libéralisation de la PAC et donc logiquement un effacement du protectionnisme européen. Mais il faut attendre les années 2003 et surtout 2013 pour que les questions environnementales et animales soient abordées, de loin, de très loin. D’une manière générale, la PAC en France est tournée pour satisfaire le lobby agricole, pardon, le syndicat agricole FNSEA, libéral, patronal et productiviste (celui-là même dont les partisans conservateurs sinon réactionnaires avaient délicatement écrasés à coups de bottes des ragondins devant la préfecture de Nantes il y a quelques années, ou encore subtilement pendu un sanglier au-dessus d’un autoroute, en bref, des gens très chouettes), véritable pot-pourri des gros exploitants, au détriment des paysans plus modestes, généralement représentés par la Confédération Paysanne, et surtout aux frais de la biodiversité et de l’environnement.
Aujourd’hui donc, les représentants des différents syndicats et d’autres acteurs du monde agricole étaient invités à échanger avec le Ministre quand à plusieurs mesures relatives à l’application de la réforme d’une nouvelle PAC, dans les locaux de la Préfecture. Exemple de nouvelles mesures potentielles : l’interdiction de certains pesticides (on peut sans trop de difficultés imaginer la position de la FNSEA sur la question), ou encore le projet de replanter des haies au bord ou au sein des champs : cette dernière mesure visant à aller à rebours du démembrement initié il y a plusieurs décennies, véritable désastre écologique.
Seulement voilà, vouloir remembrer c’est bien, mais c’est coûteux. Si des paysans sensibles aux questions environnementales n’ont pas attendu le gouvernement pour replanter des haies, c’est en revanche le cas des agriculteurs de la FNSEA, qui rechignent à morceler leurs champs en parcelles, parce que oui, cela oblige à contourner les haies avec son tracteur, et pour le gros exploitant, c’est un effort impensable. La FNSEA aime les champs plats, grands et moches, sans animaux ni haies, pour ainsi dire aseptisés et sans vie.
Alors planter des haies, si c’est une obligation, pourquoi pas, mais à condition d’avoir des subventions. L’UE en propose justement, mais là encore, qui en bénéficiera le plus ? Les agriculteurs disposant des surfaces les plus larges, les mêmes qui sont les plus hostiles à l’idée de planter des haies, pendant que les paysans plus modestes comme ceux de la Confédération Paysanne seront moins subventionnés alors même qu’ils sont pourtant les plus partisans du remembrement !
Face à cette énième aberration des politiques agricoles libérales, des membres de la Confédération Paysanne s’étaient donc rassemblés devant la préfecture avec plusieurs tracteurs pour interpeller sur la condition actuelle du monde paysan.
Des rangées de bottes vides ont été alignées sur le parvis du Cours des 50 otages pour symboliser la disparition de ce monde paysan, coincé entre d’un côté les gros exploitants qui voudraient réduire l’agriculture à une question purement marchande, et de l’autre le gouvernement aux orientations stratégiques française demeurant très sectorielles et trop soumises à la logique de compétitivité.
Solidarité avec le monde paysan et contre ces logiques mortifères !
Images : Nantes Révoltée
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