
Nous savions que la presse dominante prenait quelques libertés avec la vérité, mais l’article du journal Ouest-France sur la manifestation du 21 janvier à Nantes dépasse les limites. Sous le titre «la manifestation contre les mesures excessives du gouvernement dégénère», le quotidien publie une série de pures inventions. A commencer par l’intitulé même : personne ne manifestait «contre les mesures excessives du gouvernement», mais contre l’extrême droite, pour les libertés, contre le gouvernement à la rigueur.
Plus insolite encore, selon le journaliste, les flambeaux étaient destinés à «fêter l’anniversaire de la création de la section des anti fa». D’où vient cette information ? Les flambeaux seraient donc des sortes de bougies ? Qu’est-ce que la «section des anti fa». Et de quel anniversaire s’agit-il ? Mystère.
Le plus gros mensonge, en quelques lignes seulement : les manifestants auraient tenté «d’incendier» un magasin ZARA. Si nos reporters ont bien constaté sur place le bris d’une vitrine de cette enseigne de vêtements, il n’y a pas eu de tentative d’incendie. En revanche, il est possible d’apporter quelques précisions sur la multinationale ZARA, afin de donner des éléments de contexte aux lecteurs.
➡️ ZARA, une enseigne esclavagiste ?
La justice française a ouvert l’été dernier une enquête pour «recel de crimes contre l’humanité» contre plusieurs marques de textiles, dont ZARA, accusée d’avoir profité du travail forcé de la minorité Ouïghoure en Chine. La minorité musulmane y subit une politique concentrationnaire, le régime chinois réduisant les Oïghours au travail forcé. Pour le compte d’entreprises donc. L’enquête est ouverte pour «recel de crimes contre l’humanité» par le pôle «crimes contre l’humanité» du Parquet national antiterroriste. Parmi les plaignant-es, une Ouïghoure ayant été internée dans la province du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine.
➡️ Design nauséabond
En 2014, ZARA a produit en référence à la série américaine «Orange is the New Black» des T-shirts avec le slogan «White is the New Black». D’un goût douteux. Mais le plus grave a été la mise en vente de T-shirts pour enfants, rayé bleu et blanc accommodé d’une étoile jaune à six branches… Une tenue évoquant les camps de concentration, qui a provoqué la polémique. Pour se justifier, l’enseigne avait prétendu que la fameuse étoile faisait référence au «shérif».
➡️ Profilage racial
En juin 2015, une étude américaine révélait que l’enseigne Zara pratiquerait le profilage racial de ses clients. Réalisée par le Center for Popular Democraty – dont la mission est de promouvoir l’équité – qui a interrogé 251 employés de l’enseigne Zara à New-York, l’enquête démontrait qu’un grand nombre d’entre eux pratiquent le profilage racial sur les clients en magasin. Autrement dit, lorsqu’un client déterminé comme «suspect» – et donc susceptible de voler – entre dans un magasin, un employé aurait pour consigne de surveiller ses faits et gestes.
Alors qu’une résolution sur le «génocide des Oïghours» vient d’être adoptée par le Parlement français, il aurait été pertinent que l’article de Ouest-France, plutôt que d’inventer un «incendie», donne ces éléments de réflexion. Peut-on plaindre une enseigne accusée de complicité de génocide ? Du verre brisé est-il plus important que la réduction en esclavage d’une minorité ethnique ? Chacun choisira ses priorités morales.
