La « gauche » nantaise au fond du gouffre


Les responsables qui pleurent davantage sur du verre brisé que sur les attaques néofascistes ont du sang sur les mains


Quelques réactions de la gauche nantaise après la manifestation du 21 janvier.

Dans le monde entier, l’extrême droite organise partout la même offensive idéologique : faire croire que l’antifascisme serait la même chose que le fascisme. C’est ce qu’a fait le chef d’État brésilien Bolsonaro lorsqu’il déclarait que les nazis étaient «de gauche», ou Trump qui mettait sur le même plan les milices d’extrême droite et les mobilisations contre le racisme. Ou encore Zemmour en France récemment. C’est une stratégie révisionniste : celles et ceux qui luttent pour l’égalité et la liberté seraient au moins aussi dangereux que les nostalgiques du régimes totalitaires, racistes et génocidaires. À Nantes, cette offensive n’est pas réservée aux fans de Trump ou aux nostalgiques de Pétain : la «gauche» reprend exactement les mêmes arguments.

Pourtant, l’antifascisme était encore récemment le plus petit dénominateur commun. Le PS, malgré toutes ses traîtrises, continuant de dénoncer «la bête immonde», et avait au moins la courtoisie de ne pas s’en prendre aux combats antifascistes. En 2002, toute la gauche communiait contre Le Pen. Aujourd’hui, même ce socle minimal a disparu. Cette «gauche» est intégralement alignée sur les éléments de langage réactionnaires.

C’est ce qui s’est passé vendredi soir à Nantes. Une manifestation antifasciste réunissait des centaines de manifestants. Un défilé haut en couleur, avec beaucoup de feux d’artifices et de fumigènes, mais relativement calme. Après une heure de parcours, une vitrine de la multinationale Zara a été brisée, puis, alors que la police tirait des grenades lacrymogènes, celle d’un vendeur d’or. Quelques dégâts matériels. Rien de très inhabituel, ni de particulièrement terrible.

Pourtant, la «gauche» nantaise s’est littéralement déchaînée. Le dessinateur du journal Presse Océan, Eric Chalmel, proche du Parti Socialiste, a publié plusieurs dessins partagés par la droite sur internet, comparant les antifascistes à des nazis, et la manifestation à la «nuit de cristal». Cette nuit durant laquelle des magasins juifs et des synagogues avaient été saccagés en Allemagne, en 1938. Selon lui «le lien est simple : les SA brisaient les vitrines». Révisionnisme mortifère. Selon le dessinateur, les opposants au fascisme et les néo-nazis seraient même des «alliés». Bouillie intellectuelle. Lucie Aubrac et le régime de Vichy seraient aussi identiques, puisque tous les deux approuvaient l’action violente ?

Plutôt que de retirer ces dessins dignes d’un hebdo d’extrême droite, le dessinateur justifie : «Les petits bourgeois feraient mieux d’intégrer la lutte des classes, la vraie […] On préférerait les voir aux côtés des travailleurs lorsque les usines ferment». Eric Chalmel de Presse Océan est-il un habitué des grèves devant les usines ? L’arrière-garde du Parti Socialiste se permet donc des leçons de lutte des classes et de grèves ouvrières ? Dans leur bassesse infinie, ces gens font semblant d’oublier que les antifascistes sont justement de toutes les luttes sociales, dans les grèves comme avec les Gilets Jaunes. Contrairement à eux.

Au même moment, la maire socialiste de Nantes Johanna Rolland condamnait illico et «avec force» la manifestation, comme le «groupe écologiste et citoyen» de la mairie. La palme du ridicule étant détenue par un membre du conseil municipal, Tristan R., qui après avoir salué ce défilé «musical» a viré à 360°, en condamnant sur Twitter «les violences et dégradations», pour conserver son poste, alors que la droite réclamait sa démission. Plutôt que d’affirmer une position claire contre l’extrême droite, cette gauche continue de se soumettre aux injonctions des réactionnaires. C’est littéralement la définition de la collaboration.

Rappelons que cette même gauche, si rapide pour «dénoncer» les combats antifascistes, n’a pas bougé lorsque Marine Le Pen était au second tour lors des dernières présidentielles, ni lorsque deux jeunes étaient tabassés par l’extrême droite en mai 2017 à Nantes. Elle n’a rien fait non plus contre les mesures racistes et liberticides du gouvernement, ni contre les agressions fascistes qui se multiplient ici comme ailleurs. Elle n’a, évidemment, rien fait non plus lors de la venue d’Eric Zemmour au Zénith de Nantes. Et ces gens prétendent dire en quoi consisterait un «bon» antifascisme ?

Cette gauche, celle du PS, du PCF, des Verts, c’est celle qui est allée manifester avec le syndicat policier d’extrême droite Alliance le 19 mai dernier. C’est celle de la déchéance de nationalité sous Hollande, celle des expulsions massives de Valls, celles qui a militarisé la police et imposé l’État d’urgence. Cette gauche, c’est aussi celle qui, à Nantes, offre des salles à l’extrême droite. En février 2020, la mairie PS donnait la Maison des Syndicats aux Rassemblement National pour un Meeting. En octobre 2021, la métropole socialiste ouvrait le Zénith à Zemmour.

Cette gauche qui a tout trahi, tout renié, tout détruit, est désormais la courroie de transmission des pires offensives idéologiques de l’extrême droite. Elle est l’ennemie de toute mobilisation émancipatrice, et la complice active du désastre politique actuel. Comme l’extrême droite, cette gauche qui pleure davantage sur du verre brisé que sur les attaques néofascistes a du sang sur les mains.

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