CIEL ORANGE : DU SABLE RADIOACTIF SUITE AUX ESSAIS NUCLÉAIRES FRANÇAIS EN ALGÉRIE


Colonialisme, militarisme et désastre écologique


«La pluie de sable venue du Sahara qui s’abat sur la France est légèrement radioactive» explique le journal Le Parisien. Le nuage de sable qui donne une couleur orangée au ciel ces derniers jours porte en lui une histoire : celle du nucléaire français. Difficile d’illustrer plus clairement l’accumulation des désastres provoqués par le capitalisme triomphant : folie nucléaire, colonialisme, militarisme, écocide…

Nous sommes le 13 février 1960. En pleine guerre froide. L’armée française réalise son premier essai nucléaire dans le Sahara algérien. Les décideurs français cherchent des endroits où expérimenter leurs bombes. Ils choisissent l’Algérie : un territoire colonisé. Et le Sahara, considéré comme inhabité. Il y a pourtant, près des zones de tirs, des villages, mais leurs habitants sont considérés comme quantités négligeables par la classe dirigeante de l’époque. 17 essais nucléaires sont réalisés entre 1960 et 1966. Il s’agit d’explosions aériennes, atmosphériques, et souvent souterraines : on creuse une galerie dans une montagne pour voir ce que ça fait. Un expert explique que les «bombes pour lesquelles on faisait des essais étaient 10 à 20 fois plus grande que celles d’Hiroshima». En 1962, un essai souterrain provoque l’expulsion de lave radioactive d’une montagne, une partie des poussières se répand dans l’atmosphère. «Jusqu’à quand la radioactivité reste dans la galerie ? On n’en sait rien. Mais on sait que ces déchets hautement radioactifs ont une durée de vie de 24 000 ans.»

Même période, autre colonie : entre 1966 et 1996, l’État français teste ses bombes atomiques en Polynésie. Les atolls de Moruroa et Fangataufa sont occupés par l’armée, et classés «terrains militaires» en 1964 puis «zones protégées de défense nationale». Au total, 193 essais nucléaires aériens sont réalisés en Polynésie. Les populations locales ? Leurs vies ne comptent pas. Aujourd’hui des associations et élus accusent l’État d’avoir caché les chiffres réels des retombées radioactives des essais nucléaires. En 2021, une enquête menée par Disclose affirme que les essais ont en réalité touché un territoire grand comme le continent européen et 110 000 habitants. Les conséquences sont graves : une eau potable irradiée et un taux anormal de cancers de la thyroïde dans la population, soulignée en février 2020 par un rapport demandé par le gouvernement local de la Polynésie française. L’État français a été contraint de reconnaître son rôle dans ces maladies et cette pollution atomique.

Revenons au Sahara algérien. En 2021, des chercheurs publient une tribune adressée au président Macron pour ouvrir les archives françaises sur le nucléaire, qui sont toujours officiellement secrètes, «incommunicables». Elles sont pourtant nécessaire pour évaluer les conséquences des essais nucléaires.

Ce sable du Sahara même faiblement radioactif nous rappelle que nous vivons pour des générations sous la menace de déchets radioactifs. L’industrie nucléaire civile et militaire est un danger pour l’humanité pour des périodes incommensurables. Le retour simultané de projets de nouvelles centrales, soutenus par la plupart des candidats en France, et des menaces de guerres sur le continent européen rappellent cet impératif : sortir du nucléaire au plus vite.