Juges, présentateurs télés, propriétaires de médias : le bloc bourgeois est mûr pour le fascisme.
En 1987, le leader d’extrême droite Jean-Marie Le Pen déclare lors d’une interview que les chambres à gaz sont «un détail de l’histoire». Cette ignoble intervention provoque un tollé unanime, l’exclusion – temporaire – de Le Pen des médias, et une condamnation en justice à une lourde amende pour «banalisation de crimes contre l’humanité» et «consentement à l’horrible».
30 ans plus tard, un candidat sponsorisé par un milliardaire propriétaire d’un empire médiatique enchaîne les déclarations fascistes, sexistes ou révisionnistes. Entre deux appels à la guerre civile et à tuer les réfugiés, le chroniqueur et futur candidat déclare que le Maréchal Pétain, collaborationniste qui a ordonné des persécutions antisémites de grande ampleur et même anticipé les volontés nazies, y compris en faisant déporter des enfants lors de la tristement célèbre rafle du Vel’d’Hiv organisée par la police française, aurait sauvé des juifs français.
Eric Zemmour relativise l’antisémitisme d’État du régime de Vichy, sa complicité avec l’occupant, ses crimes. Pourtant, ces propos ont eu un écho considérable et n’ont même pas limité l’hyper médiatisation du néofasciste. Jeudi, la cour d’appel de Paris a confirmé la relaxe d’Éric Zemmour, poursuivi pour «contestation de crime contre l’humanité». Selon les juges, Philippe Pétain n’a pas été condamné en avril 1945 pour crime contre l’humanité, une incrimination créée ultérieurement, pour justifier sa décision. La notion de crime contre l’humanité n’est entré dans le droit français qu’en 1964. Ce qui n’enlève rien à l’ignominie et au révisionnisme des propos d’Eric Zemmour. Lors du procès en première instance le tribunal avait néanmoins reconnu que ses mots contenaient «la négation de la participation (de Pétain) à la politique d’extermination des juifs menée par le régime nazi». Ce n’est même plus le cas en appel.
Du reste, l’absence de condamnation pour crime contre l’humanité ne signifie en rien qu’il aurait sauvé qui que ce soit… On a connu les juges beaucoup moins laxistes, quand il s’agit d’envoyer en prison des manifestant-es ou pour condamner celles et ceux qui dénoncent les violences policières.
Dans le cadre des législatives, le parti d’Eric Zemmour présente des néo-nazis et des pétainistes en toute impunité. Par exemple Jérémie Piano, ancien porte-parole de Génération Identitaire, doublement condamné pour provocation et incitation à la haine raciale, admirateur de Pétain, sera candidat dans les bouches du Rhône. Ce qui ne semble choquer aucun média.
En 2022, même réhabiliter le Régime de Vichy n’est plus un obstacle en politique, et pose moins de problème que le «wokisme» ou les cantines végétariennes sur les plateaux télé. Juges, présentateurs télés, propriétaires de médias : le bloc bourgeois est mûr pour le fascisme.