Reportage
Coup de projecteur médiatique sur l’école Nelson Mandela ce mardi 17 mai : Jean-Luc Mélenchon est de passage à Saint-Herblain et draine avec lui une cohorte de journalistes et d’officiels. L’occasion de mobiliser le quartier pour des conditions d’enseignement décentes, et la réintégration de l’école dans le réseau REP+.
L’école Mandela s’appelait auparavant l’Angevinière, du nom de la rue où elle se situait, près du Sillon de Bretagne : un immense immeuble HLM de la taille d’une petite ville, le plus important de la région. Des centaines de familles y vivent, dont plus de la moitié sous le seuil de pauvreté, une population souvent victime de discriminations et faiblement diplômée, voire maîtrisant pas ou peu le français. Le séparatisme à la française donc : par le bas, par le parcage raciste et néo-colonial des classes dangereuses.
Dans ces conditions, l’école de l’Angevinière était classée dans les Réseaux d’Éducation Prioritaire : effectifs réduits, primes pour faire venir des enseignant-es expérimenté-es, profs en surnuméraire afin de répondre au mieux aux besoins des élèves et leur permettre de s’émanciper. Pourtant, par un tour de passe-passe digne des grandes heures de Gérard Majax, le rectorat a fait «disparaître» les inégalités ! En 2015, l’école déménage de l’autre côté du Sillon de Bretagne et s’appelle désormais Nelson Mandela : même public, mêmes difficultés socio-économiques. Problème : le collège de rattachement n’est pas classé en REP+, les élèves y réussissent mieux, et ces résultats permettent au rectorat de retirer l’école de l’éducation prioritaire. L’Éducation Nationale n’a pas attendu Blanquer pour économiser sur le dos des plus précaires, magie de la carte scolaire.
Depuis 7 ans, Mandela est ainsi une école «orpheline» : tout indique qu’il s’agit d’une zone d’éducation prioritaire, mais les moyens qui lui sont attribués sont dérisoires. Depuis 7 ans, les profs de l’école demandent donc au rectorat de réintégrer le réseau REP+ face à la dégradation des conditions d’enseignement. Entre sentiment d’injustice et épuisement professionnel, ce sont les enfants qui font les frais de la casse sociale en cours. Mais durant ces sept années le rectorat fait la sourde oreille, refusant de recevoir les personnels, se cachant derrière des textes réglementaires, la caricatures des bons fonctionnaires qui suivent le règlement mais ont oublié ce qu’était le service public d’éducation.
Cette année la mobilisation se renforce : face au rouleau compresseur macroniste les injustices sont trop criantes, la population se relève, la lutte collective nous renforce et peut s’avérer payante. Les parents sont déterminés à offrir un meilleur avenir à leurs enfants, les profs des écoles embrayent et le mouvement s’organise. Le rectorat propose un Contrat Local d’Accompagnement, une fumisterie inventée par Blanquer pour distribuer quelques miettes aux écoles en difficulté. Pas suffisant pour les parents, qui séquestrent la directrice de l’école, dans son bureau, le 29 avril dernier.
On en arrive à ce 17 mai : mobilisation générale, Jean-Luc arrive ! Tous les gamins du quartier sont venus accueillir façon «rock star» la célébrité du jour. Ça joue au foot et ça mange des gâteaux entre deux mouvements de foule, dès qu’une rumeur court sur l’apparition de celui qui se rêve en futur premier ministre. Et finalement, il arrive, engoncé dans son imper et sa cravate par une chaleur insoutenable. Notre reporter en profite pour lui offrir notre revue «Contre Attaque» et quelques stickers. Après tout il nous avait soutenu lorsque Darmanin menaçait de nous dissoudre.
Nantes Révoltée n’a jamais été dupe du cirque électoral, mais il y a un certain nombre d’enseignements à tirer de cet événement :
D’abord, que la gauche n’a pas besoin de faire semblant d’avoir des supporters. On est loin des villages Potemkine visités par Macron, entouré de policiers, durant sa non-campagne, avec des fans triés sur le volet. Ici ce sont des centaines de personnes qui viennent pour quelques minutes de discours dans une école en grève, dans un enthousiasme tellement débordant que c’en est presque gênant. Jean-Luc, star d’un jour dans un quartier populaire nantais. Et dire que les élus PS ont tout trahi et copié les programmes sécuritaires et réacs de la droite, soi-disant pour «parler au peuple».
Ensuite que Mélenchon traîne avec lui une nuée de journalistes de médias nationaux, mais aussi de petits barons locaux. Notamment des élus socialistes du coin : intégré à la NUPES, ressuscité par la NUPES, le PS apparaissait tout sourire pour soutenir la grève. Opportunisme total. La mairie de Saint-Herblain, longtemps en conflit avec ses écoles, en finira-t-elle avec sa politique de l’autruche et poussera-t-elle le rectorat à agir contre les inégalités ?
Mélenchon a donc apporté avec lui la médiatisation. Avec ce monde mobilisé, l’énergie sur place et la lumière des caméras, les problématiques sociales trop longtemps délaissées commencent à être entendues : le rectorat accepte de rencontrer les représentant-es de l’école ce mercredi.
N’oublions pas néanmoins que le spectacle donné ce mardi est de la communication. La NUPES, c’est la social-démocratie. Aucune perspective révolutionnaire dans le discours, mais au contraire une glorification de l’école de la République et de la langue française, à deux pas d’une école Diwan (où l’enseignement se fait en breton) elle aussi en difficulté. Si le représentant de la NUPES a été accueilli tel un messie, il n’appartient qu’à nous de construire les luttes populaires qui le forceront, s’il accédait au pouvoir, à renverser la V° République comme il le promet sur les plateaux télés. Comme nous le ferons face au régime de Macron.