Chili : le nouveau gouvernement de gauche envoie l’armée contre les autochtones Mapuches

L'armée chilienne intervient contre les Mapuches

Les Mapuches sont un peuple amérindien habitant au sud du Chili, dans une région appelée l’Araucanie. Ils réclament depuis la colonisation européenne la restitution de leurs terres «originelles». Lors de la conquête de l’Amérique latine par la couronne espagnole, la population d’Araucanie a longtemps résisté aux conquistadores. Aujourd’hui, une grande partie de ces terres sont aux mains de grands propriétaires terriens ou forestiers. Ils subissent depuis des décennies une forte répression de l’État chilien, qui se solde par des morts, des vols de terre, des incarcérations.

Il y a deux mois, la gauche européenne s’enthousiasmait pour l’élection de Gabriel Boric au Chili, qui gagnait dans les urnes face au candidat de droite, après trois ans de révolte et de grands mouvements sociaux dans le pays. Promis, la donne politique allait changer. Il n’a fallu que deux mois pour que le nouvel espoir de la gauche cède à la vieille droite chilienne nostalgique de la dictature, en remilitarisant l’Araucanie. Ce choix s’inscrit dans la continuité de l’ancien président Piñera et prolonge la répression historique contre les Mapuches.

Boric a signé un décret d’état d’urgence qui confère des pouvoirs élargis à l’armée. D’ores et déjà, ces dernières semaines, des dirigeants Mapuches qui l’avaient soutenu tombaient des nues : «Personne ne s’attendait à ce que Boric finisse par faire la même chose que Piñera.» À présent, les organisations des peuples originels appellent à la résistance face à cette nouvelle tentative de soumettre le peuple Mapuche. La semaine dernière, une organisation appelait même à la «résistance armée» face à cette militarisation. Un leader explique au journal l’Humanité : «Nous n’avons jamais cru que nous vivions dans une démocratie et ce gouvernement avait un très bon discours, mais nous n’avons jamais fait confiance. Ils continuent à agir de la même façon».

Dans le reste du pays, Gabriel Boric provoque une grande désillusion par rapport aux promesses de changement. Rien n’a fondamentalement changé, le nouveau gouvernement n’a proposé que de petits aménagements sans toucher aux intérêts des riches. Alors que le candidat avait promis l’amnistie des prisonniers politiques de la révolte de 2019, la majorité reste sous le coup de poursuites judiciaires. Les retraites sont aussi un sujet de tension : dans ce pays, les retraites ont été entièrement privatisées par la droite. Les retraité-es se battent pour pouvoir retirer en avance leur retraite par capitalisation, pour éviter de sombrer dans la misère. Durant la pandémie, ils ont obtenu cette possibilité au nom de l’urgence sanitaire. Mais le nouveau gouvernement s’est positionné contre un autre versement et a présenté un projet dans lequel les retraites iraient directement au remboursement des dettes des banques et des entreprises.

Sur fond d’inflation galopante et de mécontentement, la droite essaie de déstabiliser le pays. Des syndicats réactionnaires ont appelé à des blocages. Comme lors du mandat d’Allende, qui s’est soldé par un coup d’État militaire fasciste. Dans les années 1970, le président socialiste Allende n’avait pas osé riposter contre l’extrême droite et l’armée à temps. Il l’a payé de sa vie.

D’autres appels à mobilisation ont lieu à l’échelle de quartiers, contre la hausse des prix, ou dans les universités. Lors de la manifestation du 1er Mai, des commerçants ont ouvert le feu sur des manifestants, touchant trois personnes. Une journaliste indépendante qui couvrait les luttes a été tuée. Le président de gauche Gabriel Boric a condamné les violence «des bandes criminelles».

Le Chili est travaillé par des rapports de force entre grands patrons et monde ouvrier, entre État central et autochtones colonisés, entre l’armée et les mouvements sociaux. Dans ce contexte, les renoncements du nouveau gouvernement de gauche sont un très mauvais signal pour la suite.

En France comme au Chili, les illusions électorales peuvent être dangereuses : quel que soit le gouvernement, le rapport de force passe par la rue et par les luttes. Les avancées sociales de 1936 ont été arrachées par des grèves massives qui ont forcé le Front Populaire à céder. Le vote ne suffit pas.

Faire un don à Contre Attaque pour financer nos articles en accès libre.

Pour ne rien manquer de nos publications, suivez-nous sur nos réseaux