Cela fait 78 ans. Le 19 août 1944, le peuple de Paris entamait la dernière mobilisation insurrectionnelle et armée qu’ait connu la France, pour se libérer du nazisme sans attendre.
Retour historique.
Depuis le mois de juin et le débarquement allié, l’avancée des troupes de libération est suivie avec attention et impatience, dans un pays occupé et affamé par la guerre et l’Occupation. Les maquis grossissent, les initiatives de la Résistance se multiplient. Fin juillet en Dordogne, des résistants réalisent le plus gros casse de l’histoire : deux milliards de francs sont braqués dans un train entre Périgueux et Bordeaux.
À Paris, la Résistance est pauvrement équipée mais enthousiaste. Les victoires alliées suscitent une effervescence politique et sociale. Dans la capitale, les cheminots se mettent en grève le 10 août, suivis par les travailleurs du métro. Ils seront rejoints par les postiers. La police elle-même, sentant le vent tourner après avoir massivement collaboré, se met en grève. Le 15 août la CGT déclare la grève générale. Elle est effective le 18 août et suivie par d’autres ouvriers de la ville. Petit à petit, Paris est paralysé. Mais l’occupant nazi et ses alliés fascistes français, sentant la défaite approcher, multiplient les actes de barbarie et les exécutions sommaires. Des escarmouches armées ont lieu dans la capitale et dans sa banlieue. La peur change de camp : des troupes nazies et des collaborationnistes commencent à fuir vers l’est. Des mairies sont reprises à l’occupant.
Un dirigeant communiste et résistant décrit l’ambiance : «Nous sentions de plus en plus d’agitation dans la population, des manifestations étaient organisées ou avaient spontanément lieu dans les rues, dans les cafés, dans les entreprises.» Ainsi, le 19 août 1944, le Comité parisien de Libération appelle à l’insurrection générale. Le soulèvement déborde les forces constituées de la résistance, communistes et gaullistes, et devient une insurrection populaire. La ville se couvre de barricades. Des affrontements meurtriers éclatent dans tout Paris, interrompus par quelques cessez-le-feu.
Paris est libérée par elle-même, sans attendre les troupes alliées, le 23 août. Après les révolutions de 1789, 1848 et la Commune de Paris en 1871, la ville vient de connaître son dernier grand moment de soulèvement populaire, avec le peuple en arme et des barricades.
Les images de femmes, d’hommes et d’enfants derrière des barricades rappellent aussi fortement celles des rues de Barcelone en 1936. La révolution espagnole trahie et assassinée quelques années plus tôt, avec la complicité des démocraties bourgeoises. Pour autant, beaucoup de réfugiés espagnols participent à la Résistance en France, espérant qu’ils pourront ensuite libérer leur pays de Franco… Ils seront de nouveau trahis et abandonnés.
Cette insurrection, malgré sa courte durée, renverse le rapport de force. Ce soulèvement, la puissance militaire des forces de résistances communistes et le discrédit énorme qui touche les patrons, presque tous impliqués dans la collaboration avec les nazis, permettent d’imposer le programme du Conseil National de la Résistance. Un programme intitulé «les jours heureux», qui comprend un «plan d’action immédiat» : la sécurité sociale et les retraites généralisées, le contrôle des «féodalités économiques», le droit à la culture et à l’éducation pour tous, une presse délivrée de l’argent et de la corruption, des lois sociales ouvrières et agricoles. À l’époque, tout le monde s’accorde à dire que la lutte contre le fascisme, passe par le progrès social et des médias libres.
Aujourd’hui, le gouvernement Macron incarne l’opposé des idéaux de la résistance : il réhabilite littéralement Pétain et Maurras et applique un programme réactionnaire et autoritaire. Les médias, qui sont désormais concentrés entre les mains de quelques milliardaires, offrent la quasi-totalité de leur temps d’antenne à des propagandistes d’extrême droite, et le reste à des reportages anxiogènes et des polémiques racistes. Macron massacre méthodiquement, avec le MEDEF, ce qui reste du programme du CNR, celui qui, justement, avait été arraché à la Libération. Le pouvoir en place organise délibérément la montée l’extrême droite, qui lui permet à la fois de mater les contestataires dans les rues tout en maintenant le chantage électoral dans les urnes. Plus que jamais, le verbe résister doit se conjuguer au présent.