Cette censure du Monde démontre, une nouvelle fois, la nécessité vitale de médias indépendants, pour jouer un véritable rôle de contre-pouvoirs.
La France s’enfonce chaque jour dans les profondeurs autoritaires. Le Monde, quotidien considéré comme étant «de référence» depuis la Libération, un journal réputé sérieux et impartial, présente ses excuses au président. Ce vendredi 2 septembre, Le Monde annonce la suppression d’une tribune sur Macron et s’excuse d’un crime de lèse-majesté. De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce qui a été publié de si grave ?
Une tribune d’un chercheur en science politique évoquant la visite de Macron en Algérie ces derniers jours. Lors de ce déplacement, le président avait encore sorti une énormité face aux caméras : il avait qualifié les relations entre la France et l’Algérie d’une «histoire d’amour qui a sa part de tragique». Macron avait également récusé toute «repentance» pour la colonisation.
Ainsi, l’auteur de la tribune du Monde analysait la «droitisation» de Macron à propos de la mémoire de l’Algérie et invitait à une «lutte ambitieuse contre les haines racistes». Rien de bien choquant ni spécialement subversif, dans un pays dit démocratique. Mais en 2022, en France, il est audacieux et même dangereux de critiquer ainsi le Monarque.
Demandons-nous d’abord si les relations franco-algériennes sont bien «une histoire d’amour qui a sa part de tragique» ?
Dès les années 1840 l’armée française organise des «enfumades» lorsqu’elle colonise l’Algérie. Les personnes enfermées ou cachées dans une grotte sont asphyxiées en allumant des feux devant l’entrée. Des familles entières sont ainsi exterminées par ce qui ressemble à une version rudimentaire de chambres à gaz.
Durant un siècle, les colonisés sont humiliés, réprimés lorsqu’ils s’expriment, leurs terres sont volées…
Le 8 mai 1945 des dizaines de milliers d’Algériens sont tués par l’armée et la police française dans les villes de Sétif, Guelma, Kherrata. C’est l’un des plus grands massacre colonial jamais commis par la France, le jour même de l’armistice de la seconde guerre mondiale.
Lors de la guerre d’Algérie l’armée française aura recours à des techniques de contre insurrection et de torture massives contre les indépendantistes. Une pratique de terreur utilisée dans les années 1950 fut baptisée les «crevettes Bigeard», du nom d’un général français. Des opposants étaient enlevés, leurs pieds coulés dans le béton, puis ils étaient jetés dans la Méditerranée depuis des avions ou des hélicoptères. Ils disparaissaient ainsi à tout jamais. Autre méthode barbare, les «corvées de bois» : les prisonniers étaient sortis de cellule pour ramasser du bois et exécutés d’une balle dans le dos. L’armée pouvait ainsi dire qu’ils avaient tenté de fuir.
Et ce ne sont que quelques exemples de la violence coloniale française en Algérie. Si c’est une histoire d’amour, alors elle est hautement toxique. Si elle comporte «une part de tragique», cela n’a rien d’anecdotique et cette mémoire pèse encore des deux cotés de la Méditerranée. La suppression d’une tribune dans la presse française pour commenter cette formule est donc une censure pure et simple. Et les excuses d’un grand quotidien un signe inquiétant de soumission.
Cette même semaine, l’artiste Marc Rebillet invité à un festival musical au Touquet a insulté le président lors de son concert. La représentation a été écourtée, la directrice du festival a jeté le contenu d’un verre au visage du manager de l’artiste et a exigé le remboursement du cachet pour le concert. En France, le président est intouchable. Ce même DJ avait copieusement insulté Trump lors de concerts aux USA sans avoir de problème.
Le Monde, comme d’autres médias, perçoit d’importantes subventions d’État. Les grandes rédactions sont liées au pouvoir politique. Et à mesure que la situation sociale se tend, la bourgeoisie serre la vis de ses chiens de garde. Cette censure du Monde démontre, une nouvelle fois, la nécessité vitale de médias indépendants, pour jouer un véritable rôle de contre-pouvoirs.
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