Attentat de Nice : terrorisme masculiniste ?


Un acte d’avantage guidé par une violence sadique, nihiliste et sexiste que par un motif religieux


À partir de ce lundi 5 septembre, le procès de l’attentat de Nice débute. Le 14 juillet 2016, Mohamed Lahouaiej Bouhlel avait fauché des centaines de personnes avec un camion sur la promenade des Anglais, tuant 86 personnes avant d’être abattu.

Une enquête du Monde parue ce jour dresse le portrait du tueur : un psychopathe ultra-violent et masculiniste qui n’avait aucun intérêt pour la religion.

Les témoignages son ancienne compagne font froid dans le dos. La jeune femme, Hajer, a enduré un terrible calvaire pendant des années. Elle raconte comment elle a été tabassée quotidiennement dès son mariage, mais aussi les viols, les menaces de mort, les humiliations. Elle a subi des actes de torture par son ancien mari, y compris lorsqu’elle était enceinte. Son tortionnaire lui urinait dessus, déféquait dans sa chambre. Il jurait qu’il la «jetterait avec [sa] fille du 12e étage et qu’il se jetterait avec» si elle le quittait, la maintenant dans un état de terreur.

Hajer a porté plainte. Deux fois. Sans aucune conséquence. La première plainte s’est soldée par un «rappel à la loi» devant le procureur, durant lequel la victime a dû promettre de «faire des efforts à la maison pour qu’il retrouve la femme qu’il aimait avant» ! La deuxième plainte, trois ans plus tard, en 2014, n’a jamais été traitée malgré l’extrême gravité des faits. Le bourreau n’a été «entendu» qu’en juin 2016. Un mois plus tard, il commettait son attentat.

«La police n’a jamais voulu m’entendre, alors que cela faisait des années que j’étais maltraitée» explique la victime. «Il rigolait quand je souffrais, il était fier de lui.» Mohamed Lahouaiej Bouhlel n’était pas pratiquant, c’était un obsédé sexuel, fasciné par la mort et la violence. Il avait même uriné sur sa conjointe lorsqu’elle priait. Alors qu’il menaçait de la tuer et de se suicider, il disait qu’il «n’avait pas peur de mourir.»

Cet attentat a d’avantage en commun avec les massacres masculinistes qu’avec un attentat motivé par la religion. En 2014 en Californie, Elliot Rodger assassine 6 personnes et en blesse 14 autres, laissant un manifeste où il dit vouloir «punir les femmes». En 2018, c’est Alek Minassian qui tue 10 personnes lors d’un autres attentat masculiniste aux USA. Depuis, une série d’actes inspirés de l’attentat de 2014 ont eu lieu. Des attentats masculinistes seront également déjoués avant d’être mis à exécution. Et la mouvance «Incel» est considérée comme un danger majeur par les autorités outre-Altantique. Ces attentats ont en commun une haine des femmes et une violence nihiliste.

En France, en décembre 2020, Frédérik L. catholique très pratiquant, lourdement armé et proche de l’extrême droite abattait trois gendarmes qui intervenaient chez lui pour des violences conjugales, dans le Puy-de Dôme. Pour l’ancienne femme de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, le terroriste niçois, «peut-être a-t-il voulu tuer tout le monde pour ne pas mourir seul…»

Cet attentat aurait pu être évité. Si les plaintes de Hajer avaient été simplement écoutées, le carnage de Nice n’aurait probablement pas eu lieu. Pendant des années, la parole d’une victime d’actes de barbarie a été ignorée, passée sous silence. Et c’est en bout de processus que le tortionnaire a fini par commettre un crime de masse.

En 2022, 6 ans après l’attentat, il n’y a pas eu de remise en cause de la gestion des violences sexistes par la police et la justice. Personne ou presque n’a parlé du profil du tueur. Et d’autres actes, d’autres crimes contre des femmes ont été commis, après que des plaintes aient été ignorées.


L’État français et son absence de considération pour les violences sexistes, sa surdité face à la parole des femmes, seront-ils sur le banc des accusés du procès qui s’ouvre ? Car ils portent une immense responsabilité dans l’engrenage mortel.


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