Le retour de la petite voiture 4L… transformée en gros SUV


L’industrie plonge toujours plus profond dans la bêtise et le déni, et nous emmène avec elle vers le désastre


En haut : le vieux modèle de 4L.
En bas : la nouvelle version SUV

Cette voiture est l’une des icônes des Trente Glorieuses en France : la 4L. Imaginée dans les années 1950 par l’entreprise Renault, qui a été nationalisée à la Libération, cette petite voiture doit être peu coûteuse, accessible, robuste et facile à conduire. En octobre 1961, la firme présente la voiture au salon de l’auto : la Renault 4, vite appelée «4L». Elle connaît un succès phénoménal. De 1961 à 1992, Renault produit plus de huit millions de 4L. La voiture est utilisée par des générations de français, mais aussi par les services postaux, entre autres. C’est l’une des voitures les plus vendues au monde.

Octobre 2022, 60 ans ont passé. Renault «relance» la 4L au Mondial de l’Auto qui se tient cette semaine. Entre-temps, le désastre climatique s’est imposé dans notre quotidien, les ressources se raréfient, les canicules et les sécheresses augmentent. Les scientifiques du GIEC n’arrêtent par de rappeler qu’il faut favoriser le covoiturage, rouler moins vite, construire des voitures plus petites et moins lourdes pour enrayer le réchauffement climatique. Renault a donc pris une décision pleine de bon sens : transformer la petite 4L en énorme SUV tout-terrain. La différence de gabarit est évidente : le nouveau véhicule est deux fois plus volumineux, beaucoup plus lourd, équipé de roues énormes, c’est un véritable tank. Exactement l’inverse de la «sobriété» prônée en ce moment.

Oui, mais il s’agit d’un véhicule électrique, répondront ses promoteurs. Sauf que les voitures électriques émettent énormément de gaz à effet de serre lors de leur construction. En fait, c’est juste un déplacement de la pollution : au lieu de polluer les rues des villes occidentales, elles polluent énormément dans les usines qui les fabriquent. Comme ça, on ne voit plus le problème. Les voitures électriques consomment aussi une très grande quantité de métaux, comme le lithium, l’aluminium, le cuivre, le cobalt. Et le secteur minier est l’un des plus pollueurs au monde, dévastant les sols de pays du Sud.

Enfin, si les voitures électriques n’émettent pas de dioxyde de carbone, ni de composés organiques volatiles lorsqu’elles roulent, elles diffusent une quantité importante de particules fines. Selon l’Ademe – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie –, il n’existe pas un «écart significatif» entre les émissions de particules des véhicules électriques les plus autonomes et les véhicules thermiques récents dotés de filtres à particules.

Quoiqu’il en soit, plus un véhicule est lourd, plus il demande de l’énergie pour avancer. Ce sont donc des voitures petites et légères qu’il faudrait privilégier, avant de s’en passer définitivement, contrairement à ce que font les constructeurs qui vendent des millions de SUV laids et inutiles. Une absurdité, d’autant plus que les pénuries de carburant comme d’électricité menacent. Et nous n’avons pas parlé du danger qu’il y a à voir se multiplier ces tanks dans les grandes villes en terme de sécurité routière. Si les passagers sont ultra-protégés en cas d’accident, les autres usagers de la route (notamment piétons et vélos) voient leur risque augmenter avec le poids de ces véhicules.


Bref, avec cette «nouvelle 4L», c’est l’industrie qui plonge toujours plus profond dans la bêtise et le déni, et nous emmène avec elle vers le désastre.


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