Crise sanitaire et scandale du Lévothyrox


Conflit d’intérêts entre Merck et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM)


Des boîtes de Lévothyrox, du laboratoire Merck

La nouvelle formule du Lévothyrox, introduite en 2017, a créé de nombreux effets secondaires chez des centaines de milliers de patient-es. Le laboratoire Merck avait changé un excipient, le lactose, par du mannitol en assurant que cela n’avait strictement aucune incidence sur l’effet du principe actif, la lévothyroxine. Le Lévothyrox est un médicament qui traite les problèmes de thyroïde, qui doit être pris quotidiennement et dont 3 millions de personnes ne peuvent se passer, en grande majorité des femmes.

Dès l’été 2017, des milliers de patient-es ont commencé à signaler des effets secondaires parfois très importants et graves (asthénie, maux de tête, insomnies, vertiges, douleurs articulaires et musculaires invalidantes, perte de cheveux, idées suicidaires, prise ou perte de poids importante) et ont lancé plusieurs actions en justice. Ces personnes ont alors été traitées par le corps médical «d’hystériques» qui souffraient toutes d’un simple «effet nocebo» généré par une lanceuse d’alerte, Annie Duperey, et par l’emballement médiatique.

La formule a été modifiée suite à 23 signalements d’effets secondaires. Le médicament avait d’abord été testé pendant quatre jours seulement, sur 200 hommes en bonne santé en Afrique du Sud, bien qu’il soit prescrit très majoritairement à des femmes. C’est pourtant un médicament vital, non-substituable, à marge thérapeutique étroite, alors qu’en 2017 il n’y avait quasiment aucune alternative au produit de Merck !

Sachant que ce traitement met 6 à 8 semaines minimum avant de se stabiliser dans l’organisme, on se demande pourquoi il n’est testé que sur 4 jours, dans un seul pays et sur de jeunes étudiants en bonne santé et dans le besoin financier.

Une lettre jette le trouble sur les raisons de ce changement. En 2012, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a demandé au laboratoire Merck de changer la formule du Lévothyrox, devenue obsolète (la raison d’une mauvaise stabilité du médicament était avancée). Sauf que la lettre officielle qui demande ce changement est signée par le Pr. Lechat. Ce dernier a, par le passé, coordonné des études pour le laboratoire Merck et s’est empressé de quitter son poste à l’ANSM, sentant que le vent tournait. Le conflit d’intérêts est ici plus que probable.

Quel avantage le laboratoire Merck avait-il à changer cette formule ? Pourquoi le lactose a-t-il été retiré du médicament ? Depuis, de nouvelles alternatives (génériques) ont été mises sur le marché mais ne sont pas satisfaisantes pour l’ensemble des patient-es. Beaucoup subissent encore de lourds effets secondaires, dans une indifférence générale scandaleuse.

Ce mardi 18 octobre 2022, la juge d’instruction du pôle santé du Tribunal judiciaire de Marseille a décidé de mettre la société Merck en examen pour «tromperie aggravée» après avoir entendu son président dans le cadre de l’enquête en cours. Cette mise en examen est assortie d’un contrôle judiciaire : Merck devra verser une caution de 4,3 millions d’euros et «fournir une garantie bancaire à hauteur de sept millions d’euros», a déclaré à Reuters la directrice de la communication du groupe pharmaceutique, lequel se laisse «la possibilité de donner toute suite qu’elle estimera nécessaire».

Une information judiciaire contre X pour «tromperie aggravée, blessure involontaire et mise en danger d’autrui» est de plus instruite depuis mars 2018 par le pôle de santé publique du tribunal judiciaire de Marseille. Mais à ce jour, «la juge a écarté les infractions les plus graves – blessures et homicides involontaires et mise en danger de la vie d’autrui -, pour ne retenir que des manquements dans le plan de communication», se félicite l’avocat de Merck au pénal, Maître Mario Stasi.

Après l’affaire du sang contaminé, du Médiator, de la pilule Diane 35, l’affaire Lévothyrox qui dure depuis déjà 5 ans s’inscrit dans la liste des scandales sanitaires. Combien de morts faudra-t-il et de vies brisées (divorces, pertes d’emplois, séquelles etc.) avant que les lobbies pharmaceutiques et les médecins complices tombent ? Le libéralisme ne fait pas que détruire le système de santé, il incite aussi les laboratoires à maximiser leurs profits au détriment de la santé des populations. Réapproprions-nous nos médicaments : relocalisation de la production et libération des brevets pharmaceutiques !

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