Bombardements, état d’urgence, assaut de Saint-Denis : après le 13 novembre, le début d’une nouvelle ère


Vendredi 13 Novembre 2015, de terribles attentats frappent Paris. Dans la salle de concert du Bataclan, sur les terrasses, au stade de France, plus de 130 personnes sont assassinées. C’est l’effroi. Derrière ces attaques, la multinationale de la terreur : Daesh, un groupe djihadiste réactionnaire et totalitaire, produit de la guerre en Irak, financé par des pétromonarchies du golf et couvert par des entreprises occidentales comme Lafarge. Le 13 novembre, c’est une bascule irréversible dans l’histoire politique française.


ÉTAT D’URGENCE

Le soir même, François Hollande décrète avec une gourmandise mortifère l’État d’urgence sur l’ensemble du territoire national, une première depuis la guerre d’Algérie. Le Régime démocratique est aboli de fait. La France entre dans un régime d’exception durable, qui ne sera jamais vraiment levé. Dès les heures suivantes, 3.579 perquisitions administratives sont lancées dans tout le pays, frappant dans leur grande majorité des musulmans et des musulmanes. Qu’importe si cette vague de descentes policières n’aboutira qu’à l’ouverture de seulement de six procédures : l’antiterrorisme est d’abord un spectacle, une mise en scène islamophobe. Des familles voient leurs portes défoncées à l’explosif, des agents cagoulés et armés débarquent dans les chambres. La terreur répond à la terreur.

BOMBARDEMENTS

Quelques heures seulement après le début des attentats, le président socialiste annonce une vague de bombardements en Syrie. 10 avions de guerre Mirage décollent d’une base en Jordanie pour aller larguer leurs bombes sur la ville de Raqqa. Une démonstration de force médiatisée : c’est le plus important raid décidé sous Hollande, qui se félicite d’un «bombardement massif». L’opération est une vengeance d’État qui n’a aucun objectif militaire et qui s’exerce en dehors de toutes règles. Trois ans plus tard, l’ONG Amnesty International rend un rapport qui écrit que la coalition composée des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne «a utilisé de nombreuses munitions explosives imprécises dans des zones peuplées de civils. La coalition a tué des centaines de civils pour finalement laisser partir les combattants de l’État islamique.» Au moins 1600 civils ont été tués en quelques années sous les bombes occidentales.

DÉCHÉANCE DE NATIONALITÉ

La déchéance de nationalité est un vieux fantasme de l’extrême droite: la nationalité est considérée comme un privilège qu’on peut retirer à des individus pour les expulser ou les rendre apatrides.

Sous le régime de Vichy, Pétain retire leur nationalité française à 15.000 personnes, dont 7.000 Juifs. Il étend cette déchéance aux Français se trouvant à l’étranger, pour frapper les résistants partis en Angleterre. Le 16 novembre 2015, François Hollande déclare au Parlement vouloir étendre la déchéance de la nationalité française aux binationaux nés français. Une mesure réclamée depuis longtemps par le Front National. Plusieurs ministres démissionnent. Le projet est jugé potentiellement inconstitutionnel, et sera finalement abandonnée quelques mois plus tard. Hollande a voulu courir derrière l’extrême droite et s’est pris les pieds dans le tapis du racisme.

COP 21

L’état d’urgence permet l’assignation à résidence de toute personne dont il existe «des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics». C’est pratique, la police peut désigner n’importe quel opposant comme «menaçant» et le priver de liberté sans avoir à rendre de compte. Le Ministère de l’Intérieur va ainsi interner arbitrairement à domicile 404 personnes, parfois pour plusieurs mois, en dehors de toute procédure. Dès le 14 novembre, alors que le sang des victimes des attentats est encore chaud, une vague de perquisitions frappe les milieux écologistes et anarchistes. À Ivry, une équipe de policiers entre dans une habitation et menotte les occupants. «Deux flics braquent leur arme sur moi et me disent “à genoux !”» raconte l’un d’eux. Ils retournent la maison et assignent à résidence plusieurs habitants. À Rennes, une quinzaine d’agents entre arme au poing dans un appartement en criant aux habitants de s’allonger au sol. «Ils nous ont menottés. J’ai pensé qu’ils allaient nous interpeller, ils ne nous disaient rien […] Ils ont fouillé chez nous, et c’est seulement à la fin qu’ils nous ont parlé des assignations.» Nous sommes quelques jours avant la COP 21, un sommet international sur le climat à Paris. Alors que des mobilisations écologistes massives étaient prévues de longue date pour faire pression sur les gouvernants, l’État français utilise immédiatement et sans complexe l’arsenal antiterroriste contre les opposant-es. Ces procédés seront réutilisés quelques mois plus tard pour réprimer le mouvement contre la Loi Travail.

ASSAUT DE SAINT-DENIS

18 novembre 2015. Toutes les chaînes d’information sont en boucle sur «l’assaut de Saint-Denis». Les policiers d’élite sont en train d’attaquer «l’appartement conspiratif» des terroristes. La mise en scène est héroïque. Sur les plateaux, on parle pendant des heures du chien Diesel, envoyé par les policiers, et tué dans l’assaut. Le ministre de l’Intérieur prétend que ses troupes ont «essuyé le feu pendant de nombreuses heures dans des conditions qu’ils n’avaient jusqu’à présent jamais rencontrées». Tout le monde acclame les forces de l’ordre.

Les enquêteurs dépêchés sur place découvrent un immeuble détruit. Des centaines de munitions. Des morceaux de visage et de colonne vertébrales des terroristes. Mais pas de fusils d’assaut. Ils ne trouveront qu’un pistolet Browning. Des «tirs nourris» ? En réalité, seulement 11 coups de feu ont été attribués par les experts de la police aux djihadistes, contre 1.500 tirs des policiers d’élite. L’essentiel des balles reçues par le groupe d’intervention de la police nationale a été le fait de… ses propres hommes, situés en contrebas, qui ont tiré sur leurs collègues pendant des heures ! Le bouclier est criblé de balles venues des agents. Même le chien Diesel a probablement été tué par ses propres maîtres. La crème de la crème de la police française s’est auto-mitraillée.

La sinistre farce ne fait pas rire les habitants. Un voisin de palier âgé de 63 ans a reçu un tir dans le bras avant d’être mis en garde à vue alors qu’il n’avait rien à voir avec les faits. Un homme de nationalité égyptienne habitant dans l’immeuble d’en face reçoit une balle d’un tireur d’élite alors qu’il mettait les bras sur la tête. De nombreux habitants racontent leur peur d’avoir été mis en joue, à l’aube, par des hommes cagoulés, et les menaces criées aux gens qui regardaient à leurs fenêtres. Quant aux habitants de l’immeuble détruit, des familles précaires, ont vécu pendant de longs mois dans un gymnase et dans des hôtels sans être relogés, méprisés jusqu’au bout.

Après le 13 novembre, l’État français a fait la démonstration de l’étendue de son savoir-faire : vengeance sanglante par bombardements, destruction des libertés publiques, islamophobie de masse, incompétence policière vertigineuse et répression.


En 2015, le cauchemar commence, et nous n’en sommes jamais sortis. Nous le devons aux socialistes.


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