Quand l’industrie du tabac se rachète une conscience avec des clopes électroniques «sans danger»


IQOS au «tabac chauffé» de Philipp Morris et cigarettes sucrées pour ados Puff


Les cigarettes électroniques de l'industrie du tabac : IQOS et Puff.

Pendant les décennies d’après-guerre, les géants du tabac ont d’abord affirmé que les cigarettes n’étaient pas dangereuses, et même parfois qu’elles étaient bénéfiques pour les poumons ! Elles ont ensuite vendu la cigarette aux femmes, comme un instrument d’émancipation. Aujourd’hui, elles misent sur de nouveaux outils technologiques à l’allure aseptisée.

La firme Philip Morris a tout compris aux lois du capitalisme : s’enrichir sur les fumeurs et… sur les non-fumeurs, au mépris total de la santé publique, de la planète et de la biodiversité. La multinationale a ainsi investi dans la marque IQOS, une cigarette électronique présentée comme «alternative», vendue à grande échelle en bureau de tabac. Celle-ci revendique détenir «95% de composants nocifs en moins par rapport à la cigarette», puisqu’elle «chauffe» le tabac plutôt que de le brûler… les petites lignes discrètes en bas de sa page internet précisent que «cela ne signifie pas nécessairement une réduction des risques de 95%» et ajoute «l’utilisation d’IQOS n’est pas sans risque».

Une information qui n’étonne pas venant de la part d’une des plus grandes multinationales de l’industrie du tabac. Pourtant, le nom de Philip Morris n’est bizarrement pas mis en avant sur les publicités de vente d’IQOS, que l’on ne découvre que tout en bas de la page du site internet, écrit en tout petit «© 2022 Philip Morris Products SA All rights reserved»… On comprend facilement que l’entreprise ne mette pas son nom de géant du tabac en valeur pour vendre un produit qui prétend lutter contre les effets néfastes du tabac, et affirme même que cet objet encourage les fumeurs à arrêter. On peut effectivement douter de la sincérité de Philip Morris et de son entreprise mortifère depuis des décennies, dans la lutte et la prévention contre les conséquences dramatiques de l’addiction au tabac.

La diversification de l’industrie du tabac permet donc à la fois de se faire de l’argent sur les fumeurs, tout comme sur ceux qui arrêtent, persuadés de consommer un produit moins nocif. Les tabacologues, les associations de lutte contre le tabagisme et la Fondation contre le cancer notamment, alertent pourtant sur la dangerosité des cigarettes électroniques vendues en bureau de tabac telles que l’IQOS, et encourage plutôt les fumeurs souhaitant se tourner vers la cigarette électronique à privilégier l’E-cigarette disposant d’un marquage CE, que l’on retrouve dans les magasins spécialisés.

L’IQOS fonctionne par le chauffage du tabac. Un procédé dont la dangerosité est dénoncée par l’Organisation Mondiale de la Santé, qui déclare que «la réduction de l’exposition à des produits chimiques nocifs contenus dans les produits du tabac chauffés ne les rend pas sans danger et ne se traduit pas non plus par une diminution des risques pour la santé humaine».

L’IQOS serait donc tout «aussi nocive pour les poumons et les artères que la cigarette classique». «En effet, certaines toxines sont présentes à des niveaux plus élevés dans les aérosols générés par les produits du tabac chauffés que dans la fumée des cigarettes traditionnelles, et on retrouve également d’autres toxines dans les aérosols des produits du tabac chauffés qui ne sont pas présents dans la fumée des cigarettes traditionnelles». Le Comité Nationale Contre le Tabagisme (CNCT), tout comme l’Alliance contre le Tabac (ACT) dénonce ainsi «l’offensive trompeuse et illégale de Philip Morris France».

Philip Morris va même plus loin dans l’hypocrisie en proposant non seulement un produit (IQOS) aussi nocif que la cigarette contre laquelle il prétend lutter, mais qui, de surcroît, renforce et accélère l’addiction à la nicotine, car celle-ci «atteint très rapidement le cerveau, ce qui rend cette cigarette particulièrement addictive». En décembre 2021, le tribunal de Paris condamnait d’ailleurs Philip Morris France à 75.000 euros d’amende pour «publicité illégale».

Tout aussi pervers et plus polluant, une cigarette électronique jetable au goût bonbon fait un tabac chez les ados. La «Puff» est un tube de plastique de couleur vive fabriqué en Chine et inventé par des start-upeurs américains. Marketing agressif, petit prix, elle diffuse des vapeurs sucrées goût litchi, cola ou fraise. Cette clope électronique ne dure que quelques centaines de bouffées, donc une journée, voire deux. Et après ? À la poubelle, avec tous ses composants électroniques. En accès libre, y compris aux mineurs, la «Puff» n’est pas seulement une hérésie écologique, elle permet de rendre addict, ou en tout cas d’habituer de jeunes adolescent-es au geste de fumer. C’est un premier pas vers le tabagisme.

On en aurait pas attendu moins d’une industrie du tabac qui a pour «simple objectif de faire des profits à tout prix, quelles qu’en soient les conséquences sanitaires et financières pour la société», sans oublier l’impact désastreux de l’industrie du tabac sur l’environnement dont «la production annuelle de 6000 milliards de cigarettes consomme plus de 22,2 milliards de m3 d’eau et nécessite une surface de culture d’environ 5,3 millions d’hectares, soit une consommation d’eau équivalente à 7,5 millions de piscines olympiques et l’utilisation d’une surface cultivable équivalente à la superficie d’un pays comme le Togo ou la Croatie».

La culture de tabac est également responsable de 5% de la déforestation mondiale, et les mégots polluent les eaux et abiment la biodiversité : «Un seul mégot peut polluer 500 litres d’eau douce en libérant plus de 4000 substances chimiques. Les mégots sont le 3ème déchet le plus mortel pour les animaux marins».


À ce prix, Philip Morris et les autres géants du tabac pourraient au moins fournir les cendriers de poche !


Sources :

  • Boisserie, P. & Brangier, S. (2019) «Cigarettes, le dossier sans filtre», Ed. Dargaud
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