Quelques munitions contre l’offensive du gouvernement
C’est Élisabeth Borne, Première Ministre de Macron, qui a lancé ce 10 janvier le coup d’envoi de la bataille des retraites. Dans une conférence de presse, elle a indiqué que le gouvernement voulait repousser l’âge légal de la retraite à 64 ans et exiger 43 ans de cotisations pour pouvoir avoir une retraite à taux plein. Une mesure qui condamne les plus pauvres à mourir au travail ou à finir dans une misère totale, et ne servira qu’à faire des cadeaux fiscaux aux grands patrons. Quant aux jeunes, il n’est même pas question de leur donner de retraite avant la fin du monde. On fait le point.
Une attaque illégitime et inutile
«Nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi, non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à l’extrême droite. Et je veux ici leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir». Emmanuel Macron, avril 2022
Quelques mois plus tard, le même Macron prétend qu’il a été élu sur un «programme» et qu’il compte donc casser les retraites en toute sérénité. La conséquence d’un hold-up électoral digne des plus grands braqueurs. D’autant que Macron avait aussi juré en 2017 : «Je ne modifie pas l’âge de départ à la retraite durant le quinquennat, je ne modifie pas non plus les règles». Il avait même affirmé qu’il serait injuste de repousser cet âge, étant donné le nombre de chômeurs. Mais les mensonges n’abusent que ceux qui y croient.
En revanche, factuellement, le système de retraite n’est ni en danger ni déficitaire, comme aiment le prétendre les néolibéraux. Le COR, le Conseil d’Orientation des Retraites, une institution gouvernementale, estime même que le système est excédentaire en 2022 et le sera d’avantage dans les années à venir. Il n’y a aucun besoin, même d’un point de vue économique, d’imposer cette mesure. C’est une pure offensive idéologique. Une attaque en pleine crise sociale.
70% des français sont opposés à la mesure. En fait, seuls les français déjà retraités sont favorables au recul de l’âge de départ ! Un sondage Ifop pour Politis vient de mesurer que 68% veulent un retour de cet âge à 60 ans. Tout l’inverse du plan Macroniste.
Cadeaux aux patrons
Mais alors, pourquoi imposer cette mesure, impopulaire et inutile, en pleine crise sociale ? Pour faire plaisir aux patrons. Cette réforme a pour but de compenser la baisse des impôts pour les grandes entreprises, à savoir la suppression de la CVAE – la «cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises». C’est écrit noir sur blanc dans le projet de loi qui vient de sortir. On casse les retraites pour faire un cadeau fiscal aux patrons.
Autrement dit le gouvernement prépare une bataille sociale historique car il refuse de demander aux plus riches de payer un peu plus d’impôts. Dit encore plus clairement : on va laisser mourir à la tâche des ouvriers pour permettre à des cadres de toucher de grosses retraites et à des patrons de se gaver encore plus.
Mourir au taff ou finir sa vie dans la pauvreté
En France, l’espérance de vie en bonne santé est de 62 ans. C’est l’âge moyen jusqu’au quel on arrive encore à être autonome. Et ce n’est qu’une moyenne, cet âge est beaucoup plus bas pour les gens qui font des boulots pénibles. Des retraites au-delà de 62 ans, cela revient à tuer à la tâche des millions de travailleurs. À 62 ans, 25% des plus pauvres sont déjà morts.
De même, après 60 ans, selon le rapport du COR, seulement 35,5% de cette tranche d’âge occupait un poste en 2021. Les deux tiers des hommes et des femmes de cette tranche d’âge n’étaient pas en activité. Donc ils survivent grâce au chômage, RSA, arrêt maladie. Ou prennent une retraite anticipée, ridiculement basse, qui permet à peine de tenir.
Car c’est bien cela l’enjeu. Macron n’imagine pas les ouvriers trimer jusqu’à 64 ans, voire au delà. Il fait le pari que beaucoup de travailleurs partiront plus tôt, ce qui permettra de baisser massivement les pensions. Nous allons vers une explosion de la misère chez les plus âgés.
Et pour les plus jeunes ? La durée de cotisation passerait à 43 annuités. 43 ans de turbin sans interruption pour espérer avoir une retraite. Dans ce scénario, il faudrait commencer à cotiser, sans s’arrêter, à 21 ans. Le premier emploi stable chez les jeunes est en moyenne à 27 ans. Donc pas de retraite à taux plein avant 70 ans, et encore s’il n’y a aucune période de chômage, de précarité, d’arrêt… Bref, c’est mort.
Flics et députés pas concernés
Les militaires et les policiers «dont les métiers sont plus dangereux, pourront continuer à partir plus tôt», a assuré la première ministre. Ces professions sont pourtant beaucoup moins dangereuses, en nombre de mort au travail, que maçon, éboueur ou carreleur, qui subiront de plein fouet la réforme. En fait, le gouvernement protège ses forces armées et répressives, qui ont déjà tous les droits dans ce pays. De même, les députés et sénateurs conserveront leur régime spécial. Le gouvernement ose parler «d’équité» à propos de ces exceptions.
Alliance des droites ou 49.3 ?
Comment le gouvernement, minoritaire à l’assemblée, va-t-il faire ? Deux scénarios. Le 49.3, classique, déjà utilisé 10 fois en quelques mois pour imposer une loi sans vote. Ou alors l’alliance des droites. Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement a «tendu la main» aux Républicains il y a deux jours. Éric Ciotti, nouveau président du parti LR, a dit qu’il était «prêt à voter la réforme, sous certaines conditions». Et ce mardi, LR déclare que la droite est «satisfaite d’avoir été entendue». Il y aura donc probablement une coalition de droite plus ou moins extrême, minoritaire dans les urnes mais possédant la majorité des députés à l’Assemblée, pour saccager une conquête sociale.
Et maintenant ?
Rappelons qu’il s’agit d’un deuxième round. Macron avait déjà tenté d’attaquer fin 2019 sur les retraites. Il y avait eu des semaines de grève chez les cheminots, des millions de personnes dans les rues, des blocages, de sérieux affrontements. Macron, empêtré dans des scandales, notamment sa connivence avec la multinationale des retraites privées Black Rock, avait battu en retraite, en appuyant sur pause au moment du confinement.
Il tente un deuxième assaut en 2023. Cette fois ci, même la CFDT s’oppose à la réforme, il pourrait y avoir du monde lors de grosses manifs isolées, mais n’attendons rien des directions syndicales. À nous de jouer, pas seulement sur la question emblématique des retraites, mais aussi sur tout le reste : le pillage organisé par les riches, la violence sociale, la souffrance au travail. Nous voulons vivre, pas survivre, et c’est le moment de le faire savoir.
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