«Gouvernement démission» : des supporters solidaires des victimes du séisme dénoncent le régime turc

Dimanche 26 février, dans le stade d’Istanbul où se déroulait un match de l’équipe de foot du Beşiktaş, un club de la ville, une pluie de nounours et autres doudous est partie des tribunes pour tomber sur le gazon. Ces milliers de peluches ont vite saturé le terrain de jeu, poussant les joueurs à les empiler sur les bords derrière les lignes de touches. Elles sont destinées aux enfants victimes du terrible séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie le 6 février.

À ce jour, 45.000 décès sont recensées, des dizaines de milliers de personnes sont disparues et des millions d’autres sinistrées ou déplacées. C’est un drame humanitaire terrible qui frappe une zone déjà touchée par des conflits armés, une grande pauvreté et des persécutions étatiques contre les Kurdes et leurs soutiens.

Durant cette action de solidarité, les supporters ont crié des slogans contre le pouvoir en place, appelant à la démission du gouvernement d’extrême droite de Recep Tayyip Erdogan. Les supporters du Beşiktaş, engagés contre le gouvernement, entendaient dénoncer la gestion désastreuse de la catastrophe par les autorités.

Depuis ce séisme d’une magnitude de 7,8, le gouvernement turc est critiqué pour son manque de réaction dans des zones dévastées. Erdogan semble plus préoccupé par les critiques qui peuvent lui être faites que par le sort des centaines de milliers de victimes.

Le régime avait décrété l’état d’urgence et temporairement bloqué l’accès à Twitter dès le 8 février. Trois chaînes de télévision ayant critiqué le gouvernement ont été sanctionnées par le Haut conseil de l’audiovisuel. Le 7 février Erdogan avait ouvertement menacé l’opposition lors d’un discours télévisé : il déclarait qu’il avait noté le nom de ceux qui le critiquaient, et qu’il ouvrirait sa liste le moment venu. Un discours de tyran vengeur alors qu’il fallait sauver des vies. Les élections présidentielle et législatives sont prévues le 14 mai et le parti au pouvoir est fébrile.

La Turquie est sur une faille sismique et les risques sont connus. Pourtant, l’autorité de gestion d’urgence des catastrophes naturelles créée en 2009, alors qu’Erdogan était déjà au pouvoir, est dirigée par un diplômé d’une faculté de théologie qui a réalisé l’essentiel de sa carrière au ministère des Affaires religieuses, dénué de compétences dans le domaine. En 2022, après un séisme de magnitude 5,9, l’Union des architectes et ingénieurs turcs s’alertait dans une tribune que la Turquie ait «échoué à prendre les mesures nécessaires en cas de tremblement de terre» en matière de conception, construction et contrôle des bâtiments.

En Turquie comme dans d’autres pays, le monde des supporters s’engage dans les mobilisations sociales et politiques du moment. Durant les printemps arabes, des ultras étaient en première ligne contre la police qui réprimait les révolutionnaires. En 2013, les supporters d’Istanbul s’étaient unis lors du mouvement du Parc Taksim, fortement réprimé par Erdogan, déjà. Ces derniers jours, les supporteurs de Fenerbahçe, un autre club d’Istanbul, ont chanté «mensonges, tricheries, ça fait 20 ans, démission !» Ils sont désormais rejoints par ceux du Beşiktaş.

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