Manouchian au Panthéon ?


Résistant communiste immigré, arrêté par la police française : l’antithèse du roman macroniste.


À gauche : portrait de Missak Manouchian À droite : l'affiche rouge, liste de terroristes aux yeux du régime nazi, où Manouchian figure en bonne place.À gauche : portrait de Missak Manouchian À droite : l'affiche rouge, liste de terroristes aux yeux du régime nazi, où Manouchian figure en bonne place.

Emmanuel Macron a annoncé, dimanche, l’entrée de Missak Manouchian et sa compagne Mélinée au Panthéon, le temple des personnalités qui ont marqué l’histoire de France. La récupération d’un immigré communiste et internationaliste arrêté par la police française et assassiné pour faits de résistance. Manouchian incarne un idéal diamétralement opposé au Macronisme, qui criminalise l’antifascisme, réhabilite Pétain et applique un régime de choc néolibéral.

Nous sommes le 21 février 1944 : les 23 résistants du groupe Manouchian sont exécutés dans la clairière du mont Valérien, près de Paris. Les plus jeunes ont 18 ans, espagnols, italiens, arméniens, juifs pour beaucoup. L’occupant en fait alors un symbole. La France est occupée par l’armée nazie, les autorités française collaborent, et celles et ceux qui résistent ne sont qu’une infime minorité. Parmi eux, des immigrés communistes.

Le 16 novembre 1943, les services de renseignement français avaient arrêté Missak Manouchian et 22 de ses camarades. Lui est rescapé du génocide arménien, militant, et poète. Ce jour là, la police française fait tomber le réseau parisien des FTP-MOI : les «Francs Tireurs Partisans – Main d’Œuvre Immigrée».

Il s’agit d’un groupe de résistants antifascistes essentiellement composés d’étrangers. À l’origine, les MOI sont des réseaux syndicaux composés de travailleurs étrangers en France. Le patronat exploite durement les immigrés, et gère même une «société générale d’immigration» qui recrute des milliers les travailleurs et travailleuses nécessaires à la reconstruction dans les années 1920. Italiens, Polonais, Espagnols, Roumains… Ils subissent la double peine : des conditions de travail difficiles et une violente xénophobie. C’est ainsi qu’au sein du syndicalisme, se créent des sections MOI.

Dans les années 1930, certains de ses militants partent combattre le fascisme au sein des brigades internationales pendant la guerre d’Espagne. Puis, les MOI s’engagent dans la résistance, alors que l’immense majorité des français se soumettent à la barbarie nazie, et acclament le Maréchal Pétain.

Les FTP-MOI se spécialisent dans la lutte armée, dans les actions de guérilla urbaine. Ils organisent des attentats contre les usines, les trains mais également contre les officiers allemands. Parmi leurs nombreux faits d’armes : des attaques du siège du parti fasciste italien, de casernes militaires, l’exécution d’un général SS en pleine rue à Paris…

Après leur arrestation, les 23 résistants sont torturés. Ils ne parlent pas. La compagne de Missak Manouchian, Mélinée, parvient à échapper au coup de filet. Mais Olga Bancic, émigrée juive roumaine est prise, torturée, et sera décapitée. Les femmes sont très présentes au sein des FTP-MOI et de la Résistance.

L’occupant nazi utilise le procès de ces résistants pour faire de la propagande : une affiche est produite, avec les photos et les noms de 10 résistants sur fond rouge, présentés comme étant «l’armée du crime». L’affiche souligne leurs noms à consonance étrangère, leur éventuelle judéité, leurs origines, afin de frapper l’opinion, et attiser le racisme contre les condamnés. Cette «affiche rouge» aura l’effet inverse : elle en fait des martyrs.

Lors de leur exécution le 21 février 1944, la plupart des membres du groupe refusent qu’on leur bande les yeux. Dans sa dernière lettre, Manouchian écrit : «Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit.» Quelques mois plus tard, la France est libérée, et le régime hitlérien est enfin terrassé.

Manouchian et ses camarades se sont battus, par antifascisme, pour la liberté. Aucun n’était français, ils étaient internationalistes, seuls les flics qui les ont arrêtés et torturés appartenaient à la «Nation française». Manouchian n’est pas un héros de «roman national.»

Nous sommes en juin 2023. Macron dynamite les derniers acquis arrachés par la Résistance : retraites, sécurité sociale, protection des plus faibles. Et les résistants d’aujourd’hui sont traités de «terroristes» par Gérald Darmanin. Les contestataires venus de pays voisins sont désignés comme «l’ultra-gauche venue de l’étranger» par les services de police, pour faire peur, avec des ressorts identiques à ceux utilisés il y a des décennies. Comme dans les années 1930, les étrangers sont déshumanisés et traqués par la police, victimes de persécution, placés en Centre de Rétention. Sous Macron, Manouchian le réfugié communiste pratiquant l’action directe serait un ennemi public. Il serait évidemment fiché S, surveillé par la DGSI et probablement neutralisé par la police.

Comme toujours, Macron est un pervers qui joue sur l’inversion. En 2023, les nostalgiques de Vichy, soutenus par les médias et des essaims de néo-fascistes tiennent le haut du pavé. Les néo-nazis tentent de brûler vif le maire de Saint-Brévin et multiplient les violences, avec la complicité des autorités. Le président collabore avec l’extrême droite et réhabilite Pétain. L’État policier règne. Les héritiers de ceux qui ont fusillé les FTP passent tous les jours à la télévision !


Manouchian n’a pas besoin d’un Panthéon sur décision présidentielle. L’esprit de résistance continue de vivre dans les luttes, aujourd’hui comme demain.


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