Ce jeudi 3 août 2023 des militant-es internationalistes se sont infiltré en plein cœur du Parlement Européen, à Strasbourg, pour y lire au milieu de l’hémicycle une déclaration à propos de la situation d’emprisonnement de Abdullah Öcalan, leader du mouvement de libération kurde, détenu par l’État Turc depuis 1999, et y déployer des banderoles. L’action n’aura duré quelques minutes, avant que les agents de sécurité n’expulsent violemment les militant-es, les livrant à la police. Celle-ci a relevé leurs identités et leur promet un procès pour « trouble à l’ordre public ».
Abdullah Öcalan fonde en 1978 le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), sur la base d’un programme marxiste revendiquant un Kurdistan unifié, indépendant et socialiste. Son organisation lance une lutte armée de guérilla prolongée en 1984, avant qu’il ne propose plusieurs trêves au cours de la décennie suivante. Ces mains tendues vers la paix ont toujours été rejetées par l’État turc. Au cours des années 1990, Öcalan fait évoluer la ligne du parti, donnant désormais la priorité à une solution politique et démocratique à la question kurde.
Désormais, la base du mouvement de libération kurde est le confédéralisme démocratique prônant une démocratie sans État pour les régions Kurdes. Sur la base d’un programme socialiste et féministe, le confédéralisme démocratique se trouve être une réelle alternative au modèle hégémonique de l’État-nation et une solution émancipatrice pour d’autres peuples et d’autres territoires à travers le monde. Le confédéralisme est notamment mis en pratique dans les territoires multi-ethniques du Rojava, au nord-est de la Syrie. Le combat contre les différentes puissances coloniales et contre l’État turc continue toujours aujourd’hui dans les régions contrôlées par la guérilla du mouvement de libération du Kurdistan.
Le Kurdistan est un pays qui n’a aujourd’hui pas le droit d’exister, à cheval entre les États de Turquie, Syrie, d’Irak et d’Iran. Les kurdes sont assimilés et colonisés par ces États, n’ayant pas de droits en tant que Kurdes. Ils sont privés de leurs identités, langues et cultures. S’intéresser à la question du peuple kurde, c’est remettre en question les frontières du Moyen-Orient autrefois dessinées par les États coloniaux européens, dont la France. Le traité de Lausanne, signé en 1923 redécoupe de manière rectiligne et brutale tout le Moyen-Orient, créant de toutes pièces des pays pour le simple partage de cette zone entre les grandes puissances coloniales, séparant peuples et cultures par de nouvelles frontières. Le traité de Lausanne met alors de coté la possibilité même d’un Kurdistan indépendant.
La lutte pour la reconnaissance du Kurdistan continuera sous différentes formes politiques à travers le XXème siècle jusqu’à la création du PKK. Force politique majeure, ce parti renverse le rapport de force entre révolutionnaires Kurdes et les différentes forces coloniales. Développant une ligne politique internationaliste et gagnant de nombreuses victoires à travers le Moyen-Orient, le PKK commence à faire peur aux puissants qui décident conjointement d’arrêter Öcalan et de l’emprisonner. Les services secrets turcs, israéliens et américains notamment travailleront main dans la main à sa traque et à son arrestation.
Öcalan est arrêté le 15 février 1999 et emprisonné en Turquie, où il est condamné à la peine de mort pour terrorisme. La sentence n’est cependant pas mise à exécution, le pays abolissant la peine capitale en 2002. Sa peine est alors commuée en prison à vie : il est détenu à l’isolement sur l’île d’İmralı, loin de tout, vivant dans une cellule de treize mètres carrés depuis plus de deux décennies. Cette île-prison est pour ainsi dire le Guantánamo d’Europe, sans que grand monde ne s’en soucie. En 2008, ses avocats et l’ONG Amnesty International dénoncent des tortures à son encontre par les gardiens. Le Comité Européen de Prévention de la Torture dénonce également ses conditions de vie et demande la fin de son isolement, mais rien n’y fait. L’État turc persiste a tenir enfermé Öcalan, parce que philosophe, révolutionnaire et leader d’un mouvement de libération des peuples au Moyen-Orient.
Son emprisonnement doit cesser, comme pour tous les prisonniers politiques du monde, enfermé injustement par les puissants.
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