Décryptage : ce que cache cette manipulation
Quand ils se foutent de nous, les macronistes n’y vont pas avec le dos de la cuillère. Ce jeudi 5 octobre, la présidente du Parlement Yaël Braun-Pivet était sur le plateau de la chaîne d’extrême droite Cnews et affirmait : «je suis une fervente partisane du référendum» ! Elle ajoutait : «il ne faut pas opposer le peuple à la représentation nationale». C’est vrai, le gouvernement a méprisé à la fois le peuple et la représentation nationale en 2023. En réprimant un mouvement massif sur les retraites et en imposant sa réforme par 49.3 sans le vote des députés. Pas de distinction, autoritarisme complet.
Alors que le recul de l’âge de départ en retraite était combattu par 90% des salariés, que 7 français sur 10 s’y disaient «opposés», que des millions de personnes étaient en grève, le sommet de l’État a rejeté non pas une mais deux propositions d’organisation de référendum d’initiative partagée portées par des parlementaires de gauche sur le sujet. Mais quelques mois plus tard, Yael Braun-Pivet l’assure, ce sont des «fervents partisans» du référendum. Comme si nous avions une mémoire de poissons rouges.
Proche du «peuple», la présidente de l’Assemblée est une riche spéculatrice. Elle avait été épinglée pour avoir caché dans sa déclaration d’intérêts 40.000 euros de biens spéculatifs : des actions en bourse chez Total et autres entreprises écocidaires. Un «oubli» dans sa déclaration selon elle, qui n’est pas si étonnant puisqu’elle possède plus de 1,6 millions d’euros rien qu’en actions boursières et qu’elle est millionnaire comme le reste des ministres. Yaël Braun Pivet déclare notamment posséder 1,5 million d’euros d’actions chez L’Oréal. Surprise, son mari Vianney est justement cadre chez L’Oréal…
Revenons aux référendums. Si les macronistes vont sur Cnews parler de référendum et que le président lui-même a annoncé cette idée lors d’un discours, ça sent très mauvais. Après avoir refusé l’avis majoritaire sur les retraites, Macron a envie de lancer un référendum sur des sujets bien réactionnaires avec des questions orientées. Par exemple, pourquoi pas obtenir un plébiscite contre l’immigration, l’islam ou sur la «sécurité», afin de pouvoir droitiser toujours plus son action ? Facile, avec des médias qui tournent en boucle sur des sujets anxiogènes. Car on imagine bien que le gouvernement ne va pas poser de questions sur l’égalité sociale ou le partage des richesses, il risquerait de perdre très largement…
En effet, année après année, les sondages estiment que les français seraient les «champions du monde de l’anticapitalisme». Le dernier sondage sur le sujet, réalisé en décembre 2021 par l’institut Odoxa, mesurait que 62% des Français ont une mauvaise opinion du capitalisme. Un taux beaucoup plus élevé que dans les autres pays.
De même, près de 8 français sur 10 (77%) sont favorables au rétablissement de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune aboli par Macron pour faire plaisir à ses amis riches.
En juillet 2023, un sondage mesurait que 90% de la population souhaite que l’écologie soit la principale ou l’une des principales priorités du gouvernement.
Cette année également, les sondages ont mesuré les «principales préoccupations des français». En tête : la santé pour 81% d’entre eux, la hausse des prix et l’inflation juste derrière, avec 80%, et comme autre priorité majeure, l’éducation à 68%. Voilà des sujets qui font consensus mais qui sont méprisés ou carrément attaqués par Macron.
Les «fervents partisans» des référendums vont-ils organiser un grand vote sur l’abolition du capitalisme, le retour de l’ISF, l’écologie ou la santé ? On en doute fortement. Ils vont utiliser cet outil pour rendre le climat politique encore plus pourri qu’il ne l’est.
Yael Braun-Pivet, toujours sur Cnews, expliquait aussi: » Ça fait plus de 15 ans qu’on n’a pas fait de référendum en France. Je trouve que ça manque. On a besoin d’écouter nos concitoyens. On devrait en organiser très régulièrement». Elle oubliait de préciser quel était ce dernier référendum.
C’était en 2005, celui sur la Constitution Européenne. Une large majorité des français avaient voté contre ce projet néolibéral, malgré une gigantesque opération médiatique en faveur de ce texte. C’est bien simple : à l’époque, les plateaux télé recevaient presque exclusivement des partisans du «oui» à l’antenne, mais cela n’avait pas suffi pour saturer les cerveaux. Deux ans plus tard, Sarkozy piétinait le résultat sans aucun scrupule et adoptait le Traité de Lisbonne, qui reprenait les mesures de la Constitution pourtant rejetée par la population.
Avec le référendum, le pouvoir est gagnant à tous les coups : il oriente les questions, empêche les consultations sur les sujets importants, contrôle les débats… et au cas où, malgré toutes ces précautions, si le résultat ne convient pas il méprise le résultat.