La terre se soulève partout, à la mer comme à la campagne, des plaines jusqu’aux hautes montagnes. Ce samedi 7 octobre, une action a eu lieu en Isère à plus de 3400 mètres d’altitude !
Cette initiative inaugure la saison 6 des actions des Soulèvements de la terre. Un groupe d’amoureux-ses des montagnes est venu installer des tentes et des banderoles au cœur du glacier de la Girose, pour empêcher le chantier d’un nouveau tronçon de téléphérique.
Cette occupation se donne pour objectif de bloquer le projet en cours sur le glacier, où des engins de chantiers ont été déposés par hélicoptère. Après la mobilisation victorieuse contre un projet de bassin en Haute-Savoie, un réservoir de 148.000 m³ à la Clusaz qui devait capter de l’eau pour fabriquer de la neige artificielle pour les skieurs, et les mobilisations contre le tunnel de la ligne Lyon-Turin, qui perce les Alpes, il s’agit d’une nouvelle lutte en altitude.
Les occupant·es du glacier veulent s’assurer que les travaux préliminaires au 3e tronçon ne recommencent pas lundi matin et qu’ils seront bien mis à l’arrêt pour l’automne. Il s’agit aussi d’affirmer que de nouveaux campements de résistance pourraient revenir s’établir au printemps si le projet n’était pas définitivement abandonné.
Voici l’appel à venir soutenir l’occupation :
«Nous sommes d’ici et d’ailleurs, jeunes et moins jeunes, nous sommes intimement lié.es à la montagne, aux aventures et saisissements qu’elle nous offre. Nous voulons en tenir à distance ce qui détruit les mondes que nous habitons. C’est pourquoi nous commençons aujourd’hui l’occupation du chantier du glacier de la Girose contre le projet de 3e tronçon du téléphérique à la Grave et lançons ainsi la 6e saison d’action des Soulèvements de la terre. Nous sommes parti.es dans la nuit, avons passé le lac du Puy Vachier, traversé la Romanch, croisé des chamois et des lagopèdes, slalomé entre les crevasses du glacier de la Girose et rejoint son rognon rocheux, qui devait bientôt être perforé par un pylône. Il y a deux semaines en effet, là où nous campons désormais, des algecos ont été posés et de premières machines amenées par hélicoptère en vue de la construction d’un 3ème tronçon du téléphérique de la Grave. Une pelleteuse est toujours sur place. Maintenant que nous sommes là-haut, nous allons donc rester pour nous assurer que ces travaux ne reprennent ni lundi ni plus tard dans l’automne. Nous sommes aussi venu.es annoncer que nous serons prêt.es à revenir établir d’autres campements résistants au printemps si le projet n’était pas définitivement abandonné.
Ce projet, ouvertement non rentable sans être accompagné d’opérations de promotion immobilière qui défigureront le village de La Grave, est piloté par la SATA Group – gestionnaire de l’Alpe d’Huez et des Deux-Alpes – qui a déjà largement bétonné les alentours. Ce monstre local du tourisme de montagne a pour objectif affiché de doubler la fréquentation des stations dont il est gestionnaire d’ici 2030, à l’horizon des Jeux Olympiques. L’enneigement ne cesse de diminuer mais cela n’empêche pas la SATA Group de planifier une augmentation continuelle de la fréquentation de la haute montagne, à coup de nouvelles remontées mécaniques, de pistes crées à la chenille, de neige artificielle, et de construction de centaines de nouveaux logements de tourisme.
En cherchant à faire croire que l’urbanisation et l’exploitation du glacier sont indispensables à la survie économique du territoire, l’objectif affiché de la SATA est de construire un des plus grands domaines skiables d’Europe. Le troisième tronçon du téléphérique est à n’en pas douter le premier pas d’une opération d’aménagement marchand de ce glacier par l’industrie touristique. La SATA prépare déjà le terrain à la révision du schéma de cohérence territoriale, à une éventuelle liaison avec les Deux-Alpes et à de nouvelles pistes de ski, projet qui serait désastreux pour l’équilibre fragile de la montagne.
La Grave est un canton un peu à part dans le paysage du massif de l’Oisans. Entourée de grosses stations déjà fortement endommagées par la bétonisation, la Grave a été relativement épargnée des aspects les plus problématiques du tourisme de masse et a conservé une paysannerie locale. Sans nier que le tourisme est aussi ce qui a longtemps permis aux habitant.es de rester vivre dans les vallées, nous ne pouvons plus aujourd’hui fermer les yeux sur les conséquences, particulièrement présentes en montagne, du dérèglement climatique, de la disparition des glaciers, de la dégradation des ressources en eau et des éco-systèmes. La fuite en avant de l’industrie touristique est tout sauf une solution. Il ne s’agit pas ici de défendre la Grave comme une exception mais d’imaginer d’autres futurs désirables pour les montagnes et leurs divers habitant.es.
[…] Nous n’avons pas besoin de pouvoir aller skier sur de la neige artificielle, produite à grand renfort de retenues collinaires, ni de monter toujours plus haut grappiller les derniers flocons. Ce dont nous avons réellement besoin, c’est d’arrêter maintenant la course à la bétonisation et de trouver les moyens de vivre dignement avec la montagne, que ce soit du tourisme ou d’autres activités.
[…] Il fait froid à l’orée de l’automne, mais n’en doutez pas, nous ne nous sacrifions pas. Nous sommes heureux.ses de la compagnie du glacier. Le rencontrer plutôt que le bétonner.
Nous clamons défendre le monde vivant, et nous en lui. Ici, le milieu fragile de haute montagne que le projet abîmerait abrite des androsaces, une espèce protégée dont nous comptons bien prendre soin. Il y a aussi d’autres plantes ; tout un écosystème qui émerge depuis la fonte. Mais notre monde vivant ne s’arrête pas à ce que la biologie désigne. Notre monde animé, c’est aussi ce glacier sur lequel nous campons, sa glace millénaire qui a retenu nos crampons, la roche ici, et le vent qui nous enveloppe. Tout ce qui fait monde avec nous et ce à quoi nous nous sentons lié.es.
La glace porte en elle la mémoire des grands cycles qui ont transformé la terre, elle est dépositaire du temps profond de la vie. Alors que les glaciers fondent à une vitesse inimaginée par les générations passées, c’est notre mémoire que nous voyons s’évaporer en même temps qu’un accès illimité à une eau propre. Macron, jugeant la situation des glaciers « extrêmement préoccupante », prépare un sommet à Paris début novembre, tout en continuant ses politiques ravageuses, ses autoroutes et ses lois racistes. Notre sommet, nous le commençons ici, avec le glacier, pour imaginer quels autres futurs construire pour nos vallées et nos montagnes, réalistes, aux antipodes du court-termisme mercantile et passéiste. Nous ne pouvons empêcher le glacier de fondre sous nos pieds mais nous pouvons empêcher les travaux d’un énième projet mortifère.
Si l’arrêt des travaux n’était pas confirmé, il est possible que nous ayons besoin d’appui et de relais, cet automne ou ce printemps. Si vous êtes familier.e de la haute montagne et des techniques nécessaires pour la parcourir, nous vous appelons à nous rejoindre, en prenant soin de vous et de vos limites.
Depuis ces hauteurs ou nous avons eu la chance de choisir de grimper, nous voulons aussi adresser un message de solidarité avec celles et ceux qui risquent leurs vies chaque jour à quelques kilomètres de là. À celles et ceux pour qui la traversée de montagnes s’impose pour s’émanciper des frontières et qui sont pourchassé.es par la police jusque dans les rues de Briançon. La montagne se doit d’être et de rester un lieu d’accueil et d’entraide !
À bientôt, à diverses altitudes»
L’équipe glaciaire des Soulèvements de la terre
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Une réflexion au sujet de « 7 Octobre : Les Soulèvements de la Terre en haute montagne contre un projet destructeur »
Super ces militants en haute montagne pour sauver ce qui reste des glaciers. Très émouvant. Une poignée de personnes peut faire capoter ce projet. Bravo à eux