Propagande de guerre dans les médias français


On dit souvent que la première victime dans une guerre, c’est la vérité. Ce qui se passe à la télévision française est grave, et le démontre.


Les gens qui regardent encore la télé connaissent peut-être Julien Bahloul : il est systématiquement invité lorsqu’il s’agit de parler du conflit israélo-palestinien. Ce dimanche, il apparaît à l’écran, présenté comme un «habitant de Tel-Aviv» choqué par l’attaque des commandos palestiniens. Le présentateur l’appelle «Julien», parle de «ses filles» pour créer de l’empathie, puis le laisse dérouler son discours. Il compare la situation actuelle aux attentats du Bataclan qui ont frappé Paris en 2015.

Un bandeau apparaît pour le décrire : «expert de la société israélienne». En réalité, cet homme est littéralement un ancien responsable de la communication de l’armée israélienne. Il est également régulièrement engagé en tant que soldat, et il a même fondé le «bureau français» de Tsahal. Julien Bahloul a aussi été formé au «contre-terrorisme» dans un institut privé israélien.

Sur LinkedIn, cet homme pose fièrement en uniforme de l’armée israélienne, et indique qu’il officie toujours dans cette armée pendant «les périodes de crise». Enfin, Julien Bahloul est intervenu plusieurs fois en tenue militaire, au nom de l’armée israélienne, sur la chaîne i24News, chaîne créée selon ses fondateurs pour «améliorer l’image d’Israël».

Cet homme n’est donc ni «spécialiste» ni «expert». C’est un propagandiste. Le communicant d’une armée en guerre. Il diffuse les éléments de langage de Tsahal, c’est sa mission. Imaginez BFM inviter le porte parole d’une faction palestinienne et le décrire comme simple «habitant» de Gaza ou même «spécialiste» ! C’est inimaginable. Imaginer un responsable de la CIA invité au moment de la guerre en Irak, et présenté comme un simple invité neutre qui donne son avis… Procéder comme le fait BFM est une opération délibérée de manipulation de l’opinion.

Venons en au fond de son propos. La stratégie de Tsahal est de déshumaniser au maximum les palestiniens auprès du public français. Julien Bahloul répète, dans un débit rapide, les mots «islamistes» et «terroristes», et affirme que l’offensive menée depuis Gaza est «l’équivalent du Bataclan» ou même de «200 Salah Abdeslam sur le sol français». Une comparaison grossière et fausse, mais efficace :

➡️ Elle occulte totalement la dimension coloniale du conflit, et efface totalement le contexte de recrudescence des violences contre les palestiniens par le gouvernement d’extrême droite récemment élu en Israël.

➡️ Elle suscite l’empathie des français : on s’identifie volontiers aux victimes du 13 novembre.

➡️ Elle assimile l’offensive palestinienne a du terrorisme nihiliste et gratuit. Ce qui prépare les esprits à un massacre de masse. Les terroristes, on les tue.

Répété régulièrement, cet élément de langage est en train de devenir une vérité, alors que dans les médias, pas UN MOT n’est donné à des habitant.e.s de Gaza sous les bombardements, ni à des analyses historiques du conflit, ni sur les victimes de l’armée israélienne… À entendre BFM et les autres chaînes, les palestiniens seraient devenus des islamistes sanguinaires par magie, qui se sont levés avec l’intention de massacrer des innocents. Cette propagande est lourde de conséquence :

➡️ Cela veut dire que quiconque émet la moindre nuance sur la situation est lui aussi «complice du terrorisme». Et peut donc, à son tour, être lui même «neutralisé , censuré, arrêté… Car le «terrorisme» n’est pas une opinion, on l’élimine.

➡️ Déjà, on voit de nombreux commentateurs qualifier la France Insoumise de terroriste. La députée macroniste Astrid Panosyan-Bouvet, ancienne conseillère du président, réclame des «sanctions» contre les élus insoumis, pour avoir simplement mis en contexte les événements du 7 octobre. C’est l’escalade propagandiste.

➡️ Les équipes de Zemmour relaient l’intervention de Julien Bahloul. L’élément de langage anti-terroriste et le parallèle avec la France plaît beaucoup à l’extrême droite. Il alimente l’idée d’un choc de civilisation. Zemmour est ravi qu’une chaîne d’info en continu infuse l’équation raciste : «arabes français = Hamas = terrorisme».

Julien Bahloul dit-il la vérité ? Non, et ce n’est d’ailleurs pas sa mission. Au mois de mai 2022, la journaliste Shireen Abou Akleh portant un casque «Presse» avait été exécutée par un soldat de l’armée israélienne. Il avait alors été invité par BFM et certifiait que la victime avait été touchée par le tir d’un militant palestinien. Présenté comme un simple «habitant de Tel-Aviv» il assurait en direct : «Y a des vidéos qui l’ont montré.» Aucune vidéo ne montre cela. L’enquête a bien prouvé que la journaliste avait été tuée par Tsahal, et ses obsèques ont-elles même été réprimées par la police militaire. Toujours sur BFM, Bahloul avait aussi osé affirmer que des enfants palestiniens tués lors de bombardements avaient en réalité été touchés par une roquette défectueuse venant du camp palestinien. Évidemment, Israël n’est responsable de rien, c’est l’armée la plus morale du monde. BFM n’a jamais fait le moindre démenti sur les fausses informations diffusées par Julien Bahloul. Elle continue même de lui offrir des tribunes, comme on le voit aujourd’hui.

Le communicant de Tsahal est dans son rôle. Dans une guerre, le rôle de la propagande est décisif. Ce qui est beaucoup plus grave, c’est la complaisance des médias français qui la diffusent sans contradiction et rendent ainsi «acceptables» les massacres coloniaux, passés et à venir.

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