Adama : la cour d’appel prononce un « non-lieu », le combat contre les violences policières continue


Cette décision ignominieuse de non-lieu, prise il y a une semaine, est passée trop inaperçue dans le tumulte de l’actualité.


La gendarmerie bénéficie d'un non-lieu dans la mort d'Adama, 8 ans après sa mort.

Le 16 mai, la cour d’appel de Paris a confirmé le non-lieu pour les gendarmes responsables de la mort d’Adama Traoré, asphyxié lors de son interpellation en juillet 2016. «Non-lieu» : le terme en lui-même est d’une violence absolue, car ce décès a bien eu lieu.

Pour les proches du défunt, il a fallu attendre presque 8 ans. 8 ans d’un combat judiciaire acharné, de mensonges, de condamnations, de manifestations interdites et de batailles médiatiques pour arriver à cette décision.

Tout a été dit et fait pour étouffer cette affaire. Les autorités ont menti sans relâche, affirmant d’abord qu’Adama Traoré aurait pu être drogué, puis qu’il aurait une malformation cardiaque, puis qu’il aurait eu un coup de chaud… Absolument tout a été tenté, sauf d’admettre la réalité crue : des gendarmes ont écrasé à trois, de tout leur poids, Adama, dans la cour de leur gendarmerie, jusqu’à ce que mort s’ensuive.

En 2019, les trois gendarmes impliqués avaient même reçu une médaille pour l’arrestation mortelle, une récompense pour un crime d’État. En tant qu’auteurs de l’interpellation, Romain F., Arnaud G. et Mathias U. avaient été décorés le 5 septembre 2019 de la «citation sans croix simple à l’ordre du régiment» pour être «parvenus» à «localiser et interpeller» Adama Traoré le 19 juillet 2016 et pour avoir fait preuve «en la circonstance, d’un engagement remarquable et d’une détermination sans faille qui font honneur à la gendarmerie nationale». Cette récompense leur a été décernée alors même que, quelques mois auparavant, en avril 2019, les juges d’instruction avaient relancé l’enquête en ordonnant une nouvelle expertise médicale et l’audition de plusieurs témoins.

Décidée par le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), cette décoration récompense habituellement un gendarme pour un service exceptionnel, un acte de bravoure au cours duquel il a dû affronter un danger. Elle peut être suivie d’une prime annuelle de 500 euros.

Revenons à cette affaire hors norme : la justice a systématiquement empêché la manifestation de la vérité, allant jusqu’à refuser une reconstitution des faits réclamée par la famille d’Adama, et qui est en principe la norme pour une enquête de cette envergure.

L’audience en appel qui a décidé du non-lieu s’est tenue à huis-clos, donc sans témoin. Et pour la première fois, l’été dernier, la marche annuelle pour Adama a été interdite par la préfecture. En 2021 également, l’un des frères d’Adama était acquitté, après avoir passé des mois en prison, accusé d’avoir participé à des émeutes suite à la mort de son frère. Oui, un frère d’Adama a été emprisonné à tort alors que les gendarmes n’ont jamais été inquiétés de la plus légère des manières. L’État a mis tous les moyens pour effacer la mémoire même de la victime.

Malgré les pressions, le Comité pour Adama n’a jamais cessé les recours ni les manifestations, a exigé des contre-expertises, face aux rapports mensongers des institutions, y compris en sollicitant des experts hors de France. Ainsi, le parquet général a finalement admis «un lien de causalité» entre l’interpellation et la mort d’Adama Traoré. Maigre consolation.

Car en effet, si la Justice ne prétend plus qu’Adama Traoré serait mort sans raison, et reconnait que les gendarmes ont bien contribué à sa mort, elle estime aussi que leur action était «conforme à la loi». Plaquer un homme désarmé face contre terre et l’étouffer est donc «conforme». Cette technique, qu’on appelle le «plaquage ventral», a causé de nombreux morts en France, par exemple Cédric Chouviat, et dans le monde, le plus célèbre étant George Floyd aux Etats-Unis.

L’avocat de la famille Traoré déplore que la Cour d’Appel ait considéré que «le fait d’écraser un homme à trois pendant huit minutes constitue une violence légitime et proportionnée». L’affaire n’est pas terminée pour autant : «Cette misérable décision fera l’objet d’un pourvoi en cassation et […] la France sera condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme».

Le 16 mai, devant le tribunal, Assa Traoré déclarait : «Ce combat on l’a déjà gagné, on a imposé la question des violences policières, du racisme et de la discrimination en France. Le monde entier sait qu’en France on tue des noirs et des arabes, on tue des gens dans les quartiers populaires. Merci à toutes les personnes qui ont porté le combat, qui continuent de porter le combat».

Depuis la mort d’Adama, les violences policières ont explosé, le pays est désormais verrouillé par ses forces de l’ordre et il est au bord du précipice fasciste.

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