
En août 2024, l’UNICEF France et la FAS – Fédération des Acteurs de la Solidarité – publiaient leur sixième baromètre des «enfants à la rue». Cette étude montre que 2000 enfants sont sans hébergement en France, dont près d’un quart ont moins de 3 ans. Et ce chiffre est en hausse. Plutôt que de s’indigner de ces chiffres, d’agir contre les logements vides, la préfecture de Nantes préfère poursuivre la guerre contre les pauvres en s’attaquant à l’habitat léger.
La commune de Plessé, en Loire-Atlantique, lutte activement contre la disparition des paysan-nes avec un programme ambitieux qui a permis de remplacer l’ensemble des 26 derniers agriculteurs partis à la retraite pour éviter l’accaparement des terres et des fermes par une poignée de gros exploitants. Mieux encore, la commune de Plessé favorise ces installations en encourageant des projets d’installations collectifs et d’habitat léger.
Ainsi un collectif a débuté, avec accord de la Mairie, la construction d’un habitat léger en forme de dôme. Loin d’y voir une solution de logement économique et écologique face au coût de construction d’habitat plus conventionnelle, la préfecture de Nantes a choisi de réprimer. Elle y voit un «type de projet [qui] serait un appel d’air pour nombre de citoyens en difficulté d’accès à la propriété». Elle a déposé un recours au tribunal administratif de Nantes ce jeudi 10 octobre contre ce projet d’habitat léger qui soutient pourtant l’installation d’un agriculteur à proximité de son installation agricole.
Une rhétorique d’extrême droite
Tout est lié : les autorités interdisent le dôme d’un paysan pour ne pas engendrer une autorisation de fait, pour toute personne mal logée, et notamment les personnes exilées, de fabriquer le même type d’habitat. D’une pierre deux coups : attaquer l’agriculture paysanne et les droits des sans abris.
Le choix de l’expression «appel d’air» fait ici directement référence au lexique de l’extrême droite. Cette expression est un mythe qui prétend que les personnes en migration font le choix du pays de destination en fonction de la qualité de l’accueil, et que recevoir dignement ces personnes produirait mécaniquement un afflux «incontrôlable».
Aucune étude sérieuse ne démontre cette théorie, c’est même l’inverse. L’AME, l’Aide Médicale d’État, est un dispositif qui permet à toute personne résidant sur le territoire français depuis au moins 3 mois d’accéder de manière très limitée aux soins. Cette couverture médicale n’est que peu connue et 51% des personnes qui pourraient en bénéficier ne la demandent pas. Si l’appel d’air était réel, alors 100% des personnes éligibles en bénéficieraient.
La préfecture de Nantes choisit ici le même discours irrationnel et alarmiste au sujet de l’habitat léger. Une façon de criminaliser la solution trouvée par les jeunes paysan-nes pour pouvoir s’installer. Pourtant, la loi ALUR, pour Accès au Logement et un Urbanisme Rénové, votée en 2014, encadre ces habitats légers et permet, sur décision des mairies, de les autoriser. À l’image du gouvernement, la préfecture de Nantes préfère les expulsions de la loi Anti-Squat aux solutions de la loi ALUR.
Une vision archaïque du logement
Loin de se satisfaire d’un lexique d’extrême droite, la préfecture assume ici que les difficultés d’accès au logement ne doivent pas être résolues. L’argumentation de la préfecture repose sur la règle du logement de fonction qui serait «détournée».
Un-e paysan-ne qui s’installe ne peut généralement pas investir à la fois d’un une parcelle agricole et dans un logement principal. Les logements de fonction permettent à nombre de paysan-nes de limiter leur coût d’installation. Ils sont aussi justifiés par la nécessite d’une présence des paysan-nes quotidienne sur leurs terres agricoles. Cette pratique est haïe par les préfectures qui redoutent la «cabanisation du territoire».
Geneviève Pruvost, directrice de recherche au CNRS, le résume ainsi : «L’administration est peuplée de gens de la génération des Trente Glorieuses qui ont grandi avec l’idée que le désirable, c’est le pavillon en parpaing». Cette vision sert aussi la bourgeoisie radicalisée, qui n’a pas intérêt à voir les logements de toutes formes émerger, au risque que son patrimoine ne puisse plus lui servir à maintenir son exploitation des classes laborieuses.
Un déni des enjeux écologiques
En 2021, la loi «Climat et résilience» fixait un objectif de «zéro artificialisation nette» (ZAN) à l’horizon 2050. Loin d’être en rupture avec les tendances actuelles, elle impose mollement de réduire l’empreinte de la construction sur les sols. La taille moyenne des logements en 1973 était de 72m², en 2013, elle était 91m². De plus, les grands logements sont occupés par les plus riches. Près de 30% des plus pauvres occupent des logements surpeuplés, c’est-à-dire avec moins de 18m² par personne. L’habitat léger est une solution face à ces enjeux : avec des structures légères, elle permet une empreinte réduite en se passant des lourdes fondations en béton.
La préfecture choisit ici de se placer du côté de l’«écologie des solutions» annoncé par Michel Barnier, Premier Ministre sans légitimité, qui n’aura presque pas parlé de climat ou d’environnement dans son discours de politique générale, sauf pour aborder l’évolution de la réglementation zéro artificialisation nette «de manière pragmatique et différenciée» afin de «revitaliser la construction de logements». Il a ainsi annoncé le saccage de la loi «Climat et résilience» pourtant déjà largement sous-dimensionnée face aux enjeux écologiques.
Le pouvoir ne supporte pas l’auto-organisation. Lorsque le peuple répond par lui-même à ses besoins en échappant aux organes du pouvoir, les puissants montrent les dents.
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Une réflexion au sujet de « Pour empêcher une construction paysanne, la préfecture s’attaque au droit au logement »
Les bourgeois sont fidèles à leurs sale domination, leurs sales intérêts, à leur écrasement social et tant que l’on ne réussira pas à les mettre dans le trou, ils nous empêcheront de construire une vie heureuse