Trois hommes maghrébins, un homme péruvien et une femme noire ont été passé-es à tabac ou violenté-es en 2 ans par des policiers parisiens. Pourtant la justice refuse la qualification de crime raciste. Chronique de l’impunité policière d’agresseurs multirécidivistes.
La vidéo, filmée en mai dernier par une habitante et rendue publique ce 10 décembre par Libération, fait froid dans le dos. On y voit trois hommes frapper très violemment et lâchement des hommes en pleine rue. Les agresseurs assènent de violents coups à la tête de deux de leurs victimes qui ne cherchent pas à se défendre et qui restent à terre. L’un des coups de poings est donné par surprise, de dos. Le 3e homme est ensuite roué de coups, et finit par tomber au sol. L’une des victimes prend un penalty en pleine tête alors qu’il est sur l’asphalte. Un geste qui peut tuer.
Les responsables se nomment Maxime D., Clément B. et Romain B. Ce sont trois policiers hors service, ils ont commis leur agression dans la nuit du 4 au 5 mai 2024, et visé trois maghrébins devant un bar, dans le quartier touristique de Saint Michel, dans la capitale.
Le vigile du bar explique l’origine de l’altercation : « Ils ont entendu que les autres personnes parlaient arabe, l’un d’eux a alors déclaré que l’on était en France ici et qu’il fallait parler français. C’est cette réflexion qui a déclenché le conflit ». Deux sœurs, clientes du bar, témoignent également du caractère raciste de l’agression : « J’ai eu l’impression que les agresseurs cherchaient la bagarre avec ces personnes, car ils étaient d’origine étrangère » ou encore « Les agresseurs me faisaient penser à des nationalistes d’extrême droite ». On ne peut plus clair.
On apprend également qu’un ancien collègue de Maxime D. et Clément B. travaille dans le bar comme videur, qu’il était présent ce soir là, et que le bar est un véritable repère de policiers, où des bagarres ont souvent lieu.
Comme les victimes n’ont pas été retrouvées, les 3 hommes seront jugés en mars 2025 pour violences en réunion sans ITT. Le caractère raciste n’est donc pas retenu, malgré les témoignages. Les policiers, de leur côté, soutiennent qu’ils auraient été insultés par les victimes, sans qu’aucun témoignage ne corrobore leur version.
Cette affaire est loin d’être un cas isolé. Les policiers n’en sont pas à leur coup d’essai. Maxime D et Clément B étaient notamment jugés le 29 octobre pour le passage à tabac de Mario, un homme d’origine péruvienne, lors de sa garde à vue au commissariat du Ve et VIe arrondissement de Paris en juillet 2024. Maxime D. car il est l’auteur des coups, Clément B en tant que chef de poste. Dans une vidéo de surveillance du commissariat, on voit Maxime D asséner tour à tour gifles, clés de bras et coups de matraque, brisant le bras de Mario. Ce dernier, traumatisé, avait dit qu’il s’était « vu mourir », et avait écrit « à l’aide » avec son sang sur les murs. Ces actes de violence, qui s’apparentent à de la torture, ont eu lieu devant témoins, puisque tout le commissariat a assisté à la scène, « en souriant ».
Scénario classique, Maxime D. portera plainte contre Mario pour tentative de violence et exhibition sexuelle, version défendue par ses collègues, jusqu’à ce que l’un d’eux dénonce la fausse déclaration. Les policiers accusés de violence utilisent de manière quasiment systématique cette tactique afin d’inverser la réalité et se placer en victimes, réclamant même des dommages et intérêts, souvent avec succès. Le parquet ne requiert que de la prison avec sursis pour les deux hommes. Mario, lui, est laissé avec une incapacité fonctionnelle significative.
Lors de ce procès ressort une autre affaire étouffée par la justice. En juin 2022, c’est ce même Maxime qui agresse une femme camerounaise de 41 ans à coups de gaz lacrymogène et de matraque, après avoir tenu des propos racistes et refusé de prendre sa plainte. Virginie E., la victime, a en effet eu le malheur de croiser le chemin de cet individu dangereux en allant porter plainte contre des agents de la RATP qui lui avaient saisi sa carte de transport.
De nouveau une vidéo accable le policier, mettant en lumière sa déclaration mensongère : « Sans raison apparente, elle m’a agrippé le bras fortement et me l’a maintenu toujours en criant » avait-il assuré. Encore une fois, personne n’intervient. Malgré le rapport de l’enquête qui indique que des poursuites seront engagées, l’affaire est étouffée. Et le criminel est libre de continuer ses agressions racistes.
Outre les violences, rappelons qu’en principe, un policier assermenté qui ment par écrit, par exemple sur un Procès Verbal, est passible de la Cour d’Assise. Il s’agit d’un crime très grave dans le droit français. Mais la loi n’est jamais appliquée pour les policiers.
Ce gang de policier raciste est toujours dans les rues. Pour trois affaires filmées et prouvées, combien d’autres personnes ont-ils frappé, humilié ou torturé ?
La police est une institution raciste. Chaque jour, des dizaines d’affaires le prouvent encore et encore. Des dizaines de rapports ont été produits, par des associations de lutte contre le racisme, des acteurs institutionnels français ou encore l’ONU. Les condamnations sont rares, mais le collectif d’associations Stop Contrôle au faciès avait notamment fait condamner l’État en juin 2015 pour « fautes lourdes suite à des contrôles discriminatoires ».
Malgré tout, la justice française préfère toujours protéger les policiers coûte que coûte. Parce que reconnaître le caractère systémique du racisme de l’institution, c’est reconnaître que la police comme la justice sont des institutions aux logiques néocoloniales, qui sont là pour contrôler et criminaliser les populations post coloniales.
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