Philippe Tabarot : un néolibéral furieux à la tête des transports


«Soyez fiers d’être des amateurs», avait déclaré Macron à ses députés qui avaient voté contre l’allongement des congés pour les parents ayant perdu un enfant, en 2020. «Amateur» est synonyme d’inhumain, dans la langue du pouvoir. Illustration avec Philippe Tabarot, le nouveau Ministre des Transports.


Philippe Tabarot posant tout fier devant un TER : avec un peu de chance, le prochain passage à niveau qu'il empruntera sera défectueux.

Amateurisme d’abord : ce politicien a découvert qu’il était nommé Ministre en regardant la télévision, le 23 décembre. «Je savais que mon nom avait circulé, mais je n’avais eu aucune confirmation. J’ai regardé comme des millions de Français [le porte-parole de l’Élysée] annoncer la liste du gouvernement sur le perron de l’Élysée». Et c’est ainsi qu’il a appris qu’il allait diriger un ministère aussi important que celui des transports, comptant des centaines de milliers d’agents et avec des dossiers aussi stratégiques que l’avenir du rail, la construction de l’autoroute A69 et plus largement l’avenir du transport routier, les enjeux environnementaux…

Inhumanité ensuite. Le soir de Noël, Bruno Rejony, cheminot de 52 ans, s’est suicidé en sautant de la cabine du train qu’il conduisait et qui reliait Paris à Saint-Étienne. Lorsqu’on se donne ainsi la mort sur son lieu de travail, surtout lors d’une date aussi symbolique, c’est qu’il y a un grave problème avec son travail. Bruno était syndicaliste à la CGT, militant infatigable et père d’un enfant autiste. Son décès brutal a choqué toute la profession. De façon unanime, ses collègues ont déclaré que «la famille des cheminots est en deuil».

On pouvait attendre une réaction digne de la part du nouveau Ministre des Transports. Un hommage, du respect, un mot pour la famille du défunt et ses collègues. Il n’y a rien eu de tout cela. Philippe Tabarot a préféré donner une interview à la chaine d’extrême droite Cnews, et a sorti : «Ça aurait pu être plus grave s’il avait souhaité faire dérailler son train». Voilà, c’est tout ce qu’il a trouvé à dire. C’est un crachat sur la mémoire du cheminot.

Anasse Kazib, syndicaliste à la SNCF, réclame comme d’autres la démission du Ministre suite à ses propos, et s’adresse à lui en ces termes : «Je ne sais pas si vous vous rendez compte du choc d’apprendre dans quelles conditions notre collègue a mis fin à ses jours, un soir de Noël, et ce que cela signifie profondément. Qu’un conducteur saute en marche, à pleine vitesse, de sa cabine pour en finir avec la vie… Et vous êtes là à nous parler de retard de train».

Il rappelle aussi au Ministre : «Cela montre en plus que vous ne connaissez rien à la SNCF pour croire qu’on fait dérailler un TGV comme ça». En effet, les TGV sont équipés de systèmes de sécurité : le conducteur doit réagir très régulièrement dans sa cabine, sans réponse, un freinage d’urgence est immédiatement enclenché. Bref, l’intégralité des propos du Ministre sont indignes.

En se penchant sur son CV, cela n’a rien d’étonnant. La vie des cheminots et des agents du service public indiffère profondément Philippe Tabarot. Ce sénateur Les Républicains, né dans la cossue ville de Cannes, est partisan d’une ligne ultra-sécuritaire dans les transports. Ces derniers mois, il a déposé une proposition de loi visant à améliorer l’arsenal répressif dans les transports. Ce projet vise notamment à généraliser la vidéosurveillance algorithmique, à exclure les sans-domicile des gares, à créer de nouveaux délits comme celui «d’oubli» d’affaires dans un train et «d’incivilité habituelle» à l’égard de la police des transports, ou encore à ajouter toujours plus de forces de l’ordre sur le réseau. La loi est jugée inapplicable et liberticide par la gauche.

Maintenant qu’il est Ministre, ce texte est «l’un de ceux que je compte porter en priorité, parce qu’on sait que la sûreté dans les transports, c’est la première préoccupation» a-t-il déclaré. On imaginait que la première préoccupation était la fermeture des petites gares, la désertification des campagnes par le réseau ferroviaire, qui oblige les ruraux à être toujours plus dépendants de la voiture, ou encore le manque de transports en commun efficaces dans les villes. Mais dans le monde parallèle de ces bourgeois de droite extrême, le seul mot qui compte est celui de répression.

Philippe Tabarot a aussi été rapporteur au Sénat d’un texte visant à limiter le droit de grève dans le ferroviaire avant les Jeux Olympiques. Cette attaque inédite contre le droit des travailleurs des transports avait suscité une vive colère des cheminots. D’autant qu’il s’agissait d’un test pour étendre les restrictions du droit de grève au-delà des trains. Tabarot a d’ailleurs multiplié les déclarations anti-grève ces dernières années.

Le nouveau Ministre est aussi un ardent défenseur de la privatisation du rail, projet qu’il a porté dans sa région, pour la ligne de TER Marseille-Nice. Ainsi, il a assuré vouloir «continuer» l’ouverture à la concurrence de la SNCF. «Les régions sont en train de s’apercevoir qu’elles ont tout intérêt à ouvrir leur réseau à la concurrence parce que ça permet d’augmenter l’offre (…) au même niveau d’investissement pour la collectivité», a-t-il soutenu. C’est totalement faux.

La privatisation du rail dans les années 1980 en Angleterre a provoqué à la fois une explosion des prix des voyages en train et une détérioration des services. À tel point que, même dans ce pays très libéral, le gouvernement envisage désormais de renationaliser le transport ferroviaire. Les droitards, toujours à rebours de l’histoire.

Cerise sur le gâteau, le nouveau Ministre des Transports a signé une proposition de loi visant à «créer une dérogation aux obligations prévues pour l’aménagement des pistes cyclables». Autrement dit, permettre aux mairies de ne pas aménager de voies pour les cyclistes, et donc encourager la toute puissance de la bagnole.

Mardi, Libération révélait que Philippe Tabarot est aussi un richissime assisté de la République, qui a empoché des fortunes d’argent public : 135.000 euros en 2016 et 138.000 euros en 2017. Des rémunérations dingues grâce au cumul de plusieurs mandats et d’emplois fictifs.

Sénateur très bien payé, vice-président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec plus de 40.000 euros par an de 2015 à 2021, Philippe Tabarot a aussi été collaborateur de la mairie du Cannet, une petite ville des Alpes-Maritimes… dont la maire n’est autre que sa sœur : Michèle Tabarot. La frangine lui a offert un poste surpayé qui lui a rapporté 94.000 en 2018 et près de 98.000 euros en 2019, pour des postes de responsable d’un groupement d’intérêt public et de «chargé de communication».

L’affaire est tellement grosse que le Parquet national financier enquête sur «la réalité de son travail dans cette structure», qui ressemble à une énième escroquerie familiale de la bonne bourgeoisie de droite avec l’argent des impôts.


Méprisant pour la vie des cheminots, anti-grève, obsédé par la répression, lobbyiste de la voiture, partisan de la privatisation du rail et arnaqueur : ce Ministre est à l’image de la déliquescence de la classe politique. Sans avenir.


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Une réflexion au sujet de « Philippe Tabarot : un néolibéral furieux à la tête des transports »

  1. Le gouvernement des fonds de tirroirs … forcement c’est pas au fond qu’il y a les couteaux les plus affutés.
    Borne in the Bayrou ^^.

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