
Ce jeudi 20 février, ses soutiens et tous les amis de la cause anti-impérialiste étaient suspendus à une décision de justice. La cour d’appel de Paris devait rendre son verdict concernant la libération de Georges Abdallah, qui avait été validée en novembre dernier par le tribunal d’application des peines. Mais jusqu’au bout, l’édifice judiciaire semble vouloir voir croupir le militant derrière les barreaux.
Le révolutionnaire marxiste libanais est enfermé depuis plus de 40 ans dans les geôles de l’État français. Depuis aujourd’hui, avec la libération de Leonard Peltier, c’est le plus ancien prisonnier politique d’Europe, condamné à un purgatoire infini par les autorités française.
Ce jeudi, la cour d’appel a dit être «favorable» à sa libération, mais la décision est repoussée au 19 juin, et sous la condition d’indemniser les parties civiles. 6 mois d’attente supplémentaires, alors qu’il aurait du sortir en décembre dernier. L’avocat du révolutionnaire qualifie ce choix de «mesquin». Récapitulons cette affaire.
Georges Abdallah est un militant communiste libanais pro-palestinien. Dans les années 1980, il participe à la création de la FARL – Fraction Armée Révolutionnaire Libanaise – qui va pratiquer des actions de guérilla au Moyen-Orient et en Europe, notamment en France. La FARL est une organisation marxiste et anti-impérialiste engagée dans la libération de la Palestine.
En 1982, le groupe revendique l’exécution d’un colonel américain et d’un conseiller à l’ambassade d’Israël à Paris. Ces actions répondent à l’invasion du Liban par Israël, avec son cortège de crimes de guerre. La FARL fait alors la Une de la presse française.
Georges Abdallah est arrêté à Lyon le 24 octobre 1984 pour possession de faux passeports et port illégal d’armes. Jusqu’ici, rien ne le destine à passer le reste de sa vie en prison. D’ailleurs, son premier procès ne concerne que la détention d’armes et de faux papiers. Il se tient en juillet 1986, et Georges Abdallah est condamné à quatre ans de détention.
Mais les USA s’emparent de l’affaire et veulent faire du détenu un exemple. L’ambassade américaine à Paris se dit «surprise» par la «légèreté» de la peine. Un second procès a lieu en 1987, pour «complicité d’assassinats», dans un climat d’extrême tension. Les médias et les autorités attribuent aux FARL une série d’attentats qui ont eu lieu en France en 1986. Donc quand Georges Abdallah était déjà en prison.
C’est une façon de diaboliser le détenu, alors que les autorités françaises n’ont aucun élément à charge contre lui. Il s’avère qu’en réalité, ces attentats meurtriers ont été commis par l’Iran. Mais à l’époque, la France négocie de juteux contrats avec la dictature des Mollah et il est plus pratique de rejeter la faute sur un petit groupe marxiste. Une campagne d’intoxication est organisée dans la presse. Abdallah est décrit comme l’ennemi public numéro un.
Le procès a lieu directement sous la surveillance des USA, qui envoient un avocat et font pression pour alourdir la peine. Le 28 février 1987, le militant libanais est condamné à la réclusion à perpétuité. Une décision qui va beaucoup plus loin que les réquisitions du procureur, qui n’avait demandé qu’un maximum de dix ans de prison. Et tout cela alors que le dossier est quasiment vide. Durant la procédure, Abdallah a été trahi par son avocat Jean-Paul Mazurier qui s’avérera être un agent de la DGSE.
Lors du procès, la ligne de défense d’Abdallah est claire : ce n’est pas lui qui a commis les actes qui lui sont reprochés, mais il ne s’en désolidarise pas pour autant. Il explique calmement que s’il avait pu porter un coup aux intérêts israéliens et étasuniens, il l’aurait fait. Seulement voilà, on ne peut pas enfermer quelqu’un à vie pour des idées, et sans la moindre preuve.
«Il est désormais évident qu’Abdallah fut en partie condamné pour ce qu’il n’avait pas fait», reconnaîtra des années plus tard l’ex-juge antiterroriste Alain Marsaud.
Georges Abdallah devient otage de la raison d’État et du soutien français aux USA. Il croupit dans une prison à Lannemezan depuis les années 1980, alors qu’il est libérable depuis 1999. Une liberté qui lui est refusée pour des raisons politiques : parce que Georges Abdallah a toujours été ferme sur ses positions anti-impérialistes et a refusé toute sa vie de les renier, malgré l’enfermement.
En 2013, déjà, il aurait dû sortir. Suite à sa huitième demande de remise en liberté, la justice estimait qu’il était enfin libérable, il ne manquait plus qu’un petit morceau de papier pour qu’il rentre chez lui, au Liban. La France devait simplement signer un arrêté d’expulsion, de la main du Ministre de l’Intérieur de l’époque : Manuel Valls. Une formalité. Ses proches se préparaient déjà à l’accueillir.
Mais là encore, les USA interviennent : Hillary Clinton, alors secrétaire d’État de l’administration Obama, téléphone à Laurent Fabius, Ministre des affaires étrangères français pour lui mettre un coup de pression. «Bien que le gouvernement français ne soit pas légalement autorisé à annuler la décision de la cour d’appel, nous espérons que les autorités françaises pourront trouver une autre base pour contester la légalité de la décision» écrit Clinton. Un message révélé des années plus tard par WikiLeaks. L’arrêté d’expulsion ne sera jamais signé par Manuel Valls, qui reconnaîtra : «Il y a eu incontestablement une intervention américaine». La Cour de cassation finit par annuler la décision de libération. C’était il y a déjà 12 ans. 12 ans de plus en prison. Abdallah a désormais 73 ans.
Le 15 novembre 2024, c’est donc un grand espoir qui s’est de nouveau levé pour le détenu et ses soutiens. Dans un contexte de guerre génocidaire en Palestine et au Sud Liban, la justice validait sa libération. Enfin. «Par décision en date du jour, le tribunal d’application des peines a admis Georges Ibrahim Abdallah au bénéfice de la libération conditionnelle à compter du 6 décembre prochain, subordonnée à la condition de quitter le territoire national et de ne plus y paraître». Après cette annonce, le parquet national antiterroriste, dans un communiqué, a fait appel de la décision de justice.
L’audience s’est donc tenue ce 20 février, et Georges Abdallah voit sa potentielle sortie repoussée au 25 juin 2025 sous condition d’indemnisation des parties civiles, autrement dit des États-Unis… Une décision qui s’acharne à le maintenir enfermé. Le combat continue.
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