C’était le 16 mars 2003, il y a 22 ans. Rachel Corrie est une militante américaine de 23 ans. Pacifiste, elle défend les habitations palestiniennes à Gaza.

À l’époque a lieu ce qu’on appelle la «deuxième intifada». L’armée Israélienne multiplie les crimes de guerre contre les civils : un camp de réfugié-es est rasé à Jénine. Rachel Corrie, une jeune femme née sur la côté Ouest des USA, pacifiste engagée, se rend en Palestine pour soutenir la population face au colonialisme débridé. Elle dit avoir «envie d’aller voir sur le terrain à quoi ses impôts servaient».
Pendant plusieurs semaines, elle est accueillie dans des familles palestiniennes à Rafah, ville du sud de la bande de Gaza aujourd’hui dévastée, avec 7 autres militant-es britanniques et étasuniens. Leur projet est de s’interposer de façon non-violente face aux agressions de l’armée. Leur courage est immense, le groupe se retrouve régulièrement au milieu de tirs et de bombardements, mais ces jeunes sont persuadé-es que leur nationalité et leur couleur de peau les protégera de la sauvagerie israélienne. Une erreur.
«Je suis en Palestine depuis deux semaines et une heure, et les mots me manquent encore pour décrire ce que je vois» raconte Rachel Corrie dans un mail envoyé le 7 février 2003. «Je ne sais pas si beaucoup d’enfants ici ont jamais vécu sans voir des trous d’obus dans leurs murs et les miradors d’une armée d’occupation les surveillant constamment depuis les proches alentours», s’épouvante-t-elle.
Le 16 mars, des engins de chantiers détruisent les maisons, incarnant la colonisation brutale d’un occupant qui, déjà, cherchait à effacer la présence d’une population. Rachel Corrie se poste avec un gilet orange fluorescent très visible et un mégaphone sur une butte de terre, face à un bulldozer de l’armée conduit par un soldat. Elle protège de son corps le domicile d’une famille, celle d’un pharmacien de Gaza, vouée à la destruction. Le bulldozer ne s’arrête même pas : il écrase la jeune femme.
«Rachel a tenu tête au bulldozer seule parce qu’elle connaissait cette famille et parce qu’elle pensait que son action était juste. S’approchant de plus en plus de Rachel, le bulldozer a commencé à pousser la terre sous ses pieds. À quatre pattes, elle essayait de rester au sommet de la pile qui ne cessait de monter. À un moment elle s’est retrouvée assez haut, presque sur la pelle. Suffisamment près pour que le conducteur puisse la regarder dans les yeux. Puis elle a commencé à s’enfoncer, avalée dans la terre sous la pelle du bulldozer. Le bulldozer n’a pas ralenti, ne s’est pas arrêté. Il a continué à avancer, pelle au niveau du sol, jusqu’à lui passer sur tout le corps. Alors il s’est mis en marche arrière, la pelle toujours au sol, et lui est repassé dessus» explique un volontaire qui a assisté à son agonie.
Très gravement blessée, Rachel Corrie meurt peu après, dans les bras de ses ami-es. «Rachel gisait sur le sol, tordue de douleur et à moitié enterrée» raconte son camarade. Elle avait traversé des milliers de kilomètres pour défendre une idée juste, et son avenir venait d’être volé, sans pitié ni considération, par un État colonial qui méprise la vie humaine. Rachel était la première volontaire étrangère tuée par l’armée israélienne à Gaza, et devenait à l’époque le symbole d’une mobilisation internationale en faveur des Palestinien-nes qui ne sera jamais écoutée.
Cet assassinat a eu lieu il y a 22 ans quasiment jour pour jour, et personne n’a jamais été poursuivi pour ce crime. La plainte de la famille a été rejetée en 2012 par un tribunal israélien. Les autorités étasunienne n’ont pas sanctionné Israël pour avoir tué leur ressortissante : au contraire, elles ont continué à envoyer des armes. Aujourd’hui, Rafah est en ruine, baignée de larmes, de sang versé sur des monceaux de gravats. À Gaza, des soldats israéliens ont même photographié et filmé le corps de Palestinien-nes broyé-es sous les chenilles de leur bulldozers ces derniers mois, revendiquant ainsi fièrement la barbarie qui avait été utilisée sur Rachel Corrie. Et Donald Trump vient d’envoyer à Israël, parmi les milliards de dollars de munitions et d’armes, de nouveaux bulldozers.
«Je pense que la liberté pour la Palestine pourrait être une incroyable source d’espoir pour les personnes qui luttent partout dans le monde» disait la militante. Souvenons-nous de Rachel Corrie, qu’elle ne soit pas morte en vain.
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