Pas moins de neufs attaques ont eu lieu dans toute la France contre des établissements pénitentiaires dans les nuits du dimanche 13 au mardi 15 avril. C’est du jamais vu depuis les grandes mutineries qui ont eu lieu dans les prisons françaises dans les années 1970.

Dans la nuit de dimanche à lundi, sept véhicules ont été incendiés sur le parking de l’École nationale d’administration pénitentiaire à Agen. Cet établissement forme les futurs matons. Le syndicat FO pénitentiaire parle d’un «acte d’une extrême gravité sur le parking de l’ENAP. Un ou plusieurs individus sont arrivés en voiture, ont crié avant de mettre le feu à sept véhicules, provoquant un incendie».
La nuit suivante, c’est à Réau, en Seine-et-Marne, que le véhicule d’une surveillante a été incendié et que trois autres voitures ont été couvertes de liquide inflammable. Ensuite, sept autres établissements ont été visés. Devant la maison d’arrêt de Nîmes, une voiture a été brulée. Devant la prison de Toulon, des tirs à l’arme lourde ont visé la porte de l’établissement, et quinze impacts ont été relevés. À Villepinte, en Seine-Saint-Denis, des voitures ont aussi été incendiées devant la maison d’arrêt, ainsi que devant celle de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine.
À Aix-en-Provence deux véhicules se sont embrasés et le portail des Équipes régionales d’intervention et de sécurité – ERIS, une unité de police particulièrement violente, spécialisée dans les interventions en prison – a été pris pour cible. À Marseille, des voitures de surveillants ont été taguées et une autre incendiée près des locaux de la protection judiciaire de la jeunesse. Les initiales DDPF figuraient sur les carrosseries, pour «Droits des prisonniers français», un sigle mystérieux. À Valence enfin, deux voitures de matons se sont aussi consumées devant la prison.
Ces actions visant les prisons sont coordonnées, nombreuses et visiblement organisées. «Est-ce une provocation de narcobandits face à la politique pénitentiaire de Gérald Darmanin ? Le fait de membres de l’ultra gauche ? Rien n’est à ce stade revendiqué» se demande le journal Le Parisien. Les enquêteurs disent avoir «identifié un canal Telegram» intitulé «Droits des prisonniers français» qui serait «suspecté d’être lié à des groupuscules d’ultragauche». Info ou intox ?
Quoiqu’il en soit, le Parquet national antiterroriste est saisi d’une enquête pour «association de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteinte à la personne et dégradation ou détérioration en bande organisée du bien d’autrui et tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste». Des moyens très invasifs de surveillance et d’enquête sont donc déployés.
La situation dans les prisons françaises est terrible. En février 2025, le nombre de détenus battait un record, atteignant le chiffre de 81.599. Le seuil des 80.000 prisonniers avait été franchi pour la première fois en novembre 2024, et il ne fait qu’augmenter. 21.631 personnes enfermées ne sont que des prévenues, c’est-à-dire des personnes en attente de leur jugement et considérées comme innocentes aux yeux de la justice.
Il y a à l’heure actuelle 62.363 «places opérationnelles» dans les prisons. Le calcul est vite fait : 130,8% de taux d’occupation. Ce taux grimpe même à 200% dans certains établissements, où près de 4.500 personnes se retrouvent à dormir sur le sol. Cette surpopulation carcérale place la France au troisième rang des plus mauvais élèves d’Europe, juste après Chypre et la Roumanie.
Chaque année, plusieurs dizaines de personnes détenues se suicident derrière les barreaux – 149 en 2023. Le taux de suicide est 6 fois plus élevé chez les personnes enfermées qu’à l’extérieur. Fin janvier 2025, le garde des sceaux Gérald Darmanin annonçait la création d’une «super prison» pour «super délinquants», où seraient parqués les «100 plus gros narcotrafiquants». Toujours plus de moyens pour surveiller et punir plutôt que trouver des solutions à la racine des problèmes.
Les incendies de ces derniers jours seraient-ils un retour de flamme ?
Plus de chiffres sur la prison ici.
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