Retailleau décore des agents du RAID accusés d’un meurtre et d’un éborgnement


Cinq policiers du RAID de Marseille, cette police militarisée et surarmée qui est en principe utilisée contre le terrorisme et le grand banditisme, ont reçu une médaille par Retailleau. Léger détail : ils sont actuellement mis en examen pour un homicide et un éborgnement.


Un blindé du RAID dans les rues de Marseille en 2023 : 5 de ces policiers ont reçu une médaille pour avoir réalisé leur sale besogne.

C’était au début du mois de juillet 2023. Souvenez-vous : pour anéantir la révolte suite à la mort de Nahel, Gérald Darmanin avait déployé des forces anti-terroristes dans les rues contre la population civile. Des images d’agents cagoulés armés de fusils à pompe, mettant en joue des adolescents plaqués au sol, avaient circulé. Il fallait terroriser les quartiers populaires pour éteindre la colère.

À Marseille, c’est une unité du Raid qui a tué Mohamed, père de famille qui circulait à scooter, et qui a mutilé son cousin. Dans la nuit du 1er au 2 juillet, cette brigade militarisée se déplaçait en convoi de sept véhicules «pour impressionner, mais aussi pour interpeller si nécessaire, ou disperser un attroupement». Comme dans une scène de guerre, un agent se tenait debout, armé, sur le toit, prêt à tirer. «Au départ, c’est le monsieur du fourgon qui était sur le toit qui tirait et ses collègues se sont mis à faire pareil» expliquait une témoin de la scène à Médiapart. Mohamed n’a pourtant pas été visé par un ou deux tirs, mais 6.

Trois tirs l’ont atteint : un impact à la jambe, un autre qui fait exploser le phare de son scooter, un troisième au thorax. Fatal celui-ci. Il a provoqué un arrêt cardiaque quelques instants plus tard.

Six tirs de policiers lourdement armés, depuis leurs blindés contre un homme sans protection. Ces policiers sont formés à l’usage de toutes les armes et sont très entraînés. «Chacun d’entre eux peut choisir ses armes et les embarquer en mission sans formalités particulières» expliquait Médiapart, «au point que leur hiérarchie est incapable de déterminer, a posteriori, qui a pris quoi». Le policier qui a tué Mohamed possédait «un LBD multicoups, approvisionné par six munitions». Il a joué au ball trap.

Depuis leur véhicule pare-balles, ces agents n’ont jamais été en danger ni même menacés. Ils ont tiré sur les êtres humains qui croisaient leur convoi. Auditionné, Alexandre P. le policier responsable du tir mortel, a osé déclarer, «J’ai considéré son geste d’accélérer en direction du convoi comme un geste d’agression» ou encore «j’ai jamais été aussi stressé alors que j’ai vécu l’Hyper Cacher. C’est le ciel qui me tombe sur la tête». Une vidéo des tirs ne montre pourtant aucun stress, juste une exécution. Une série de tirs.

La même nuit, d’autres agents du RAID ont tiré sur Abdelkarim avec un bean bag – il s’agit de cartouches tirées au fusil à pompe contenant des billes de plomb. La victime a perdu un œil. L’objectif était de briser physiquement tous les corps suspects qui étaient dans les rues. Cette nuit-là, des dizaines de personnes ont été arrêtées et emprisonnées pour des faits parfois dérisoires, comme le vol d’une cannette dans un magasin.

Depuis leur mise en examen en 2023, aucun des cinq policiers du RAID n’a été suspendu, ils continuent tous d’exercer. Darmanin, encore Ministre de l’Intérieur, leur avait déclaré en août 2024 : «Sachez que les chefs sont parmi vous, avec vous, à vos côtés, ils prennent les mêmes risques, en ce sens que si l’un d’entre vous tombe, c’est nous tous qui tombons». Un aveu glaçant.

En octobre 2024, c’est Bruno Retailleau qui est devenu Ministre de l’Intérieur. Il a décidé d’aller encore plus loin : plusieurs mois après la mise en examen des 5 hommes du Raid, il leur a offert la «médaille de la sécurité intérieure».

Cette décoration, créée en 2012 par Nicolas Sarkozy, «est destinée à récompenser les services particulièrement honorables, notamment un engagement exceptionnel, une intervention dans un contexte particulier, une action humanitaire ou l’accomplissement d’une action ponctuelle ou continue dépassant le cadre normal du service», selon le Code de la sécurité intérieure.

Parmi les policiers qui ont bénéficié de cette distinction «au titre de la promotion du 1er janvier 2024» figurent donc Alexandre C. et Gilles N., mis en examen pour des violences volontaires ayant entraîné une mutilation définitive, et Alexandre P., Jérémy P. et Sylvain S., mis en examen pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

Le 16 juin 2019, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner organisait une cérémonie pour «décorer» les policiers qui avaient réprimé avec une violence inouïe le mouvement des Gilets Jaunes. Il s’agissait de féliciter «des services particulièrement honorables» et «un engagement exceptionnel» par une médaille de la sécurité intérieure.

Parmi les lauréats de cette médaille de la sécurité, on trouve notamment Grégoire Chassaing, qui a chargé la fête de la musique à Nantes, provoquant la mort de Steve. B. Félix, commandant des CRS le jour de la mort de Zineb Redouane. D. Caffin, qui a tabassé des Gilets Jaunes dans un fast food. R. Souchi, qui a lancé la charge qui a écrasé Geneviève Legay. F. Menesplier, qui a abattu Nahel…

Commissaires, commandants, officiers particulièrement violents, mutileurs et tueurs : non seulement aucun n’a été condamné, mais tous ou presque ont reçu une décoration des mains des Ministres de l’Intérieur successifs. Vous avez dit ensauvagement ?


Une source : Médiapart

AIDEZ CONTRE ATTAQUE

Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.

Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.