La véritable écologie punitive : quand les travailleur-ses meurent sous la chaleur


La canicule à provoqué au moins 2 morts au travail en Espagne, un en Italie, un en France


Que ce soit dans le BTP ou l'agriculture, la chaleur peut être mortelle pour les travailleurs et travailleuses.

Alors que sur les plateaux télé et radio bien climatisés la bourgeoisie commente benoîtement les températures caniculaires de ces derniers jours, celles et ceux qui doivent travailler sous cette chaleur accablante, puis retourner dans des logements qui sont de véritables fours, en meurent. Le combat écologiste et la lutte des classes sont une seule et même lutte.

Ce lundi 30 juin, un ouvrier du bâtiment de 35 ans est décédé à Besançon. Sur le chemin du retour, après une journée à travailler en plein soleil sans aménagement d’horaire ni diminution du temps de travail, il s’est effondré, victime d’un accident vasculaire cérébral. Malgré l’arrivée des secours prévenus par ses collègues de travail, il n’a jamais repris conscience. En Italie, un ouvrier du bâtiment a également trouvé la mort.

L’Espagne connaît elle aussi son mois de juin le plus chaud jamais enregistré. Entre le 22 et le 30 juin, le média catalan Ara recense au moins 43 morts imputables à la chaleur. En Andalousie il a fait 46° samedi 28 juin, record absolu battu pour le pays.

Ce même jour, une agente d’entretien de 51 ans est morte à Barcelone, foudroyée par un coup de chaleur. Elle avait travaillé tout l’après-midi au ramassage des déchets dans la rue. Son employeur lui avait conseillé de “boire une bouteille d’eau froide et de continuer son travail” lorsqu’elle s’était plainte de la chaleur. La famille de la victime est allée demander des comptes à Ramon Cebrián, président du comité d’entreprise du service de nettoyage, mais ce dernier s’est retranché derrière l’existence d’un “protocole activé en cas de fortes chaleurs”. La mairie de Barcelone a ouvert une enquête, et présenté ses condoléances à la famille.

Les ouvriers, premières victimes de la chaleur au travail

Sans grande surprise, on meurt rarement de chaud dans sa tour climatisée à La Défense ou dans son espace de «coworking» du 11ème arrondissement. Sur les 48 morts officiellement recensés comme accidents de travail liés à la chaleur depuis 2018, la moitié ont eu lieu dans le BTP. Les ouvriers agricoles sont également grandement vulnérables, surtout les vendangeurs. En septembre 2023, le temps était particulièrement chaud, et six ouvriers travaillant dans les vignes de Champagne sont décédés. Silence radio des autorités sur cette série dramatique.

“Le nombre de décès est clairement sous-estimé. Les cas identifiés ne sont que la partie émergée de l’iceberg” rappelle Guillaume Boulanger, de Santé publique France dans un article du Monde. En effet, il ne s’agit que des cas relevés par la Direction générale du travail. Or, “les conséquences d’une exposition peuvent apparaître immédiatement comme dans les trois à dix jours qui suivent, au domicile ou au travail”.

En 2024, l’inspection du travail avait réalisé 1500 contrôles portant sur la protection des salarié-es en cas de fortes chaleurs, avec des résultats édifiants, que Médiapart avait analysé : “Accès insuffisant à l’eau, obligation de travailler tout l’après-midi dans une température suffocante, pas d’aménagement spécifique des locaux pour créer de l’ombre, protéger du soleil ou assurer une climatisation ou une ventilation…” Dans ces rapports, on trouve également la réponse mâtinée de préjugés d’une entreprise de maçonnerie qui refusait les horaires aménagés : “Les salariés portugais supportent bien la chaleur car il fait plus chaud au Portugal”.

Fin juillet 2024, une dizaine de chantiers sont inspectés en Haute-Garonne : sur cinq d’entre eux, aucun accès à de l’eau potable. Un seul des chantiers est déclaré aux normes. Et sur les chantiers avec accès à l’eau, la coupler à une obligation de travailler en plein après-midi, sous 38°, est clairement criminel. Un patron d’une exploitation de melon sera d’ailleurs jugé en 2026 suite au décès de l’un de ses salariés, auquel il n’apportait aucun ravitaillement en eau.

Mais dans les faits, très peu de mesures contraignantes existent pour protéger les travailleurs et travailleuses. La course au profit reste la règle. Depuis juin 2024, un dispositif permet aux entreprises du bâtiment de se faire indemniser par la caisse d’intempérie pour les arrêts de chantier dus à la chaleur, mais il est très peu utilisé.

Les écoles laissées à l’abandon

Dans les salles de classe aussi, on étouffe. Il y fait 30°C dès le matin, comme à Verniolle, dans l’Ariège, où la mairie a installé des ventilateurs, certes, mais dans les couloirs. Comble de l’ironie, ils ne sont à utiliser qu’en dehors des heures de cours pour que le bruit ne dérange pas le travail des enseignants et des élèves… Quand on vous dit que le travail tue.

Aucune directive nationale contraignante n’a été prise. Un “numéro canicule info service” a été mis en place, ainsi que des “recommandations”. Sauf que le seul conseil avisé que l’on pourrait donner, c’est d’abattre le capitalisme, mais passons. Élisabeth Borne, la très incompétente ministre de l’Éducation qui affirmait elle-même qu’elle n’y connaissait rien, a plaidé pour une “gestion au cas par cas”. Autrement dit : débrouillez-vous.

1900 écoles étaient fermées mardi, et la sonnette d’alarme a été tirée par de nombreux syndicats et comités de parents d’élèves ulcérés par l’inaction de l’État. Environ 80% des établissements scolaires français ont un besoin urgent de rénovation énergétique. Or, la rénovation des écoles fait partie du fonds vert, qui a subi de brutales coupes budgétaires.

Dans les Pyrénées Orientales, où le mercure frôlait les 40°C à l’ombre, une pétition intitulée “Pour la mise en place obligatoire de la climatisation dans les cars scolaires” a été lancée. Mickaël Tu, délégué syndical CGT pour la société de transport Keolis GEP Vidal, indique qu’un tiers des bus n’est pas équipé, et que la température monte à 45°C dans les bus. Réponse du patron ? “Nous leur faisons passer des consignes de prévention, sur le port de vêtements amples par exemple…Nous leur accordons un quart d’heure de repos supplémentaire toutes les après-midi.” Trop aimable. L’indécence des bourgeois n’a pas de limite.

La région, elle, refuse d’imposer la climatisation sur les prochains appels d’offres. “Installer une climatisation cela représente aussi un réel surcoût pour les entreprises, jusqu’à 12.000 € pour un grand bus” explique Jean-Luc Gibelin le vice-président de la région aux Mobilités et infrastructures transports. Les conducteur-ices et les enfants peuvent bien littéralement crever de chaud, leur vie vaut moins que ces 12.000 euros.

De timides avancées, toujours insuffisantes

Depuis ce 1er juillet un décret a été publié pour renforcer les obligations des employeurs à mieux ménager les salarié-es face aux épisodes de canicule. Ils doivent notamment “protéger les salariés en intérieur comme en extérieur, peu importe le niveau de vigilance fixé par Météo France, et adapter l’organisation du travail dès qu’on bascule sur un seuil de chaleur intense”. Un minimum de 3l d’eau fraîche doit être fourni par jour et par personne, et les postes de travail aménagés.

Néanmoins, aucun seuil de température n’est fixé. Or, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), estime que «au-delà de 30°C pour une activité sédentaire, et 28°C pour un travail nécessitant une activité physique, la chaleur peut constituer un risque pour les salarié-es». Des aménagements devront être établis dès la mise en place d’une vigilance jaune Météo France, mais la moitié des accidents graves de l’an dernier ont eu lieu en… vigilance verte. De plus, aucune mesure contraignante n’est encore prise pour permettre de sanctionner les entreprises qui ne rempliraient pas les conditions fixées par ce nouveau décret. Alors, à quoi bon ?

Comme d’habitude, le gouvernement rechigne à prendre des mesures fortes et à faire passer la vie des travailleurs et travailleuses avant les profits des patrons. Reprendre le contrôle des moyens de production est une question de vie ou de mort.

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